La Russie et les Occidentaux, profondément divisés par la crise ukrainienne, sont parvenus à mettre leur dispute de côté mardi à la reprise de leurs négociations avec l'Iran sur son programme nucléaire.

«Je n'ai noté aucun effet négatif, nous poursuivons notre travail dans l'unité», a souligné le porte-parole européen Michael Mann après le début de la réunion à Vienne entre la République islamique et les «5+1» (Allemagne, Chine, États-Unis, France, Royaume-Uni et Russie).

M. Mann, dont la patronne Catherine Ashton, qui dirige la diplomatie européenne, mène la négociation au nom des 5+1, s'est encore félicité en soirée d'une première journée de discussions «riche et utile».

Enjeu de cette réunion qui continue mercredi : la fin d'une décennie de confrontation dangereuse entre l'Iran, qui proclame son droit au nucléaire civil, et les grandes puissances qui le soupçonnent de chercher secrètement à se doter de la bombe atomique.

En novembre dernier, les deux parties avaient conclu un plan sur six mois. Celui-ci prévoit le gel de certaines activités nucléaires iraniennes en échange d'une levée partielle et provisoire des sanctions internationales qui étranglent l'économie de l'Iran.

Les négociateurs essaient de transformer l'accord -au plus tôt d'ici au 20 juillet- en un arrangement définitif qui supprimerait toutes les sanctions en échange de garanties solides données par Téhéran.

Les points les plus délicats discutés sont l'étendue du programme iranien d'enrichissement d'uranium, et le réacteur à eau lourde d'Arak. Cet équipement encore en construction utilise la filière du plutonium, qui pourrait elle aussi servir à fabriquer une bombe nucléaire.

Après avoir négocié en détail l'ordre du jour des discussions, on est entré mardi dans le vif du sujet.

Chacune des parties convient que le succès des négociations n'est en rien garanti. Dans un entretien avec le Financial Times mardi soir, le ministre iranien des Affaires étrangères, Mohammad Javad Zarif, appelle les deux parties à «montrer bien plus de courage que ce qu'on a vu jusqu'à présent», et les grandes puissances à «mettre leurs actes en accord avec leurs paroles» - c'est-à-dire à faire des concessions.

Le difficile dialogue reprend au moment où la crise liée à la Crimée semble renvoyer aux pires heures de la Guerre froide.

Le président russe Vladimir Poutine a signé mardi un accord sur le rattachement de cette péninsule du sud de l'Ukraine à la Russie, faisant fi du tollé des Occidentaux.

Les précédentes controverses entre la Russie et l'Occident, comme sur la Syrie par exemple, n'avaient pas remis en cause les discussions sur le nucléaire iranien. Les 5+1 «sont toujours restés unis», a rappelé avec insistance mardi Michael Mann.

Un expert «pessimiste»

Mais après l'épisode ukrainien, «les Russes vont être moins enclins à faire des sacrifices au nom de l'unité» avec Bruxelles et Washington, redoute Mark Fitzpatrick, un expert de l'institut ISIS qui se dit «pessimiste» quant à l'issue des pourparlers sur le nucléaire.

Moscou et Téhéran négocient déjà depuis février un vaste accord commercial, qui amènerait la Russie à construire de nouvelles centrales nucléaires civiles en Iran en échange de la fourniture de pétrole.

Une telle entente affaiblirait la politique des États-Unis visant à forcer Téhéran, à coup de sanctions, à négocier sur son programme nucléaire.

Mark Hibbs, de la fondation Carnegie, estime que Moscou pourrait utiliser l'accord projeté comme un moyen d'obtenir plus de concessions de l'Iran sur le nucléaire.

Mais cet analyste admet aussi que Moscou pourrait décider de mener ses discussions bilatérales avec l'Iran indépendamment de la négociation d'un accord général entre la République islamique et les grandes puissances, ce qui mettrait en danger la négociation actuelle.