Des membres du commando qui a tué Oussama ben Laden dans sa cachette pakistanaise en 2011 subissent les foudres de leurs supérieurs et de leurs collègues pour avoir osé transgresser la loi du silence régissant leur unité d'élite.

Dans une lettre relayée au cours des derniers jours par les médias américains, de hauts responsables des Navy SEAL rappellent sévèrement à l'ordre les militaires qui ont accepté de lever publiquement le voile sur leur rôle dans la mort du chef d'Al-Qaïda.

Le contre-amiral Brian Losey, commandant des opérations spéciales de la marine, relève que les membres de l'unité d'élite s'engagent, pour la vie, à servir avec «honneur» et «humilité» en se montrant discrets sur leurs missions. Et qu'ils doivent à ce titre renoncer à toute forme de «notoriété publique» ou de «gain financier».

Ceux qui ne respectent pas cet engagement ne peuvent être considérés comme des membres des SEAL, souligne l'officier, qui évoque la possibilité de poursuites contre tout membre de l'organisation qui diffusera des informations classifiées.

Bien que la lettre ne cite personne en particulier, elle a été largement interprétée comme une réaction aux interventions publiques de deux ex-membres des SEAL présents lors de l'opération pakistanaise.

L'un d'eux, Robert O'Neill, est présenté par Fox News comme «l'homme qui a tué ben Laden». La chaîne conservatrice a annoncé qu'elle diffuserait dans une semaine une entrevue dans laquelle ce militaire de 38 ans originaire du Montana doit décrire les évènements ayant mené à la mort du dirigeant d'Al-Qaïda.

Une revue spécialisée souligne qu'O'Neill a déjà accordé sous le couvert de l'anonymat - il était présent comme «le tireur» - une longue entrevue au magazine Esquire dans laquelle il se plaignait d'avoir été lésé par la marine américaine au moment de son départ à la retraite.

Best-seller

Un autre ancien SEAL, Matt Bissonnette, est aussi montré du doigt. Ce militaire d'expérience s'est attiré les foudres du ministère de la Défense en 2012 en publiant, sous le pseudonyme de Mark Owen, un livre sur son expérience qui est rapidement devenu un best-seller.

Il a donné à l'époque une entrevue à la célèbre émission 60 Minutes, qui avait altéré sa voix ainsi que son visage avec un maquillage élaboré dans le but d'empêcher son identification. Son véritable nom a été dévoilé par la suite.

Le militaire a longuement insisté à cette occasion sur le fait qu'il ne cherchait aucunement à se glorifier de la mort de ben Laden, mais bien à mettre en lumière «l'une des opérations les plus significatives de l'histoire des États-Unis».

«L'attention ne devrait pas se porter sur moi, mais bien sur le livre. Je ne tente pas d'être spécial ou d'être un héros ou quoi que ce soit. J'essaie simplement de mettre l'accent sur les grands enjeux», a souligné l'ancien soldat, qui s'apprête à sortir un autre ouvrage sur son expérience.

Dans une seconde entrevue à CBS, il a confié la fin de semaine dernière que les deux dernières années avaient été très difficiles en raison de la réaction négative de ses anciens collègues.

Il doit par ailleurs faire face à une enquête du ministère de la Défense, qui l'a accusé d'avoir diffusé, dans son ouvrage, des informations confidentielles susceptibles de mettre en danger la vie d'autres membres des SEAL.

L'opération contre Oussama ben Laden, qui a déjà été portée à l'écran dans divers films, continue de susciter un énorme intérêt médiatique aux États-Unis.

Des versions diverses et contradictoires de l'intervention circulent. Dans Esquire, le militaire interrogé a notamment affirmé qu'il était seul dans la pièce lorsqu'il a tiré deux balles dans la tête du fugitif. Matt Bissonnette a déclaré pour sa part à CBS qu'il était présent et avait lui aussi ouvert le feu sur le chef d'Al-Qaïda.

L'ex-militaire a affirmé par ailleurs que le but premier de l'intervention était de capturer si possible le fugitif et non de le tuer.