Alors que filtraient les détails sur une opération militaire sans bavure, Barack Obama a estimé que «le monde est plus sûr après la mort d'Oussama ben Laden». Sa présidence se porte également mieux, mais pas les relations américano-pakistanaises.

Le temps d'au moins une journée, les États-Unis auront renoué avec le sentiment d'unité qu'ils ont éprouvé au lendemain des attentats du 11 septembre 2001. Le choc, la douleur et la colère de ce jour tragique ont cependant fait place au soulagement, à la joie et à un certain triomphalisme qui s'est traduit dans la nuit de dimanche à hier par des cris et des chants patriotiques devant Ground Zero et la Maison-Blanche ainsi qu'à Times Square.

Et quelque 12 heures après avoir électrisé son pays et le monde en annonçant la mort d'Oussama ben Laden, Barack Obama est revenu avec une satisfaction évidente sur cet événement, qui marque un tournant dans la lutte contre Al-Qaïda et dans sa présidence.

«Je pense que nous pouvons tous être d'accord pour dire que c'est un grand jour pour l'Amérique. Le monde est plus sûr, c'est un endroit meilleur après la mort d'Oussama ben Laden», a déclaré le président américain, hier midi, lors d'une allocution à la Maison-Blanche.

«Aujourd'hui, il nous est rappelé que, en tant que nation, nous pouvons tout faire quand nous mettons du coeur à l'ouvrage, quand nous travaillons ensemble», a-t-il ajouté.

Les détails sur l'opération qui a mené à la mort du chef d'Al-Qaïda ont également rappelé la nature incertaine de la relation entre les États-Unis et le Pakistan, l'un des pays qui bénéficient le plus de l'aide étrangère américaine.

Tué dans une villa

Oussama ben Laden a été tué dimanche non pas dans une grotte aux confins du Waziristan, mais dans une villa située à un jet de pierre d'une prestigieuse académie militaire à Abbottabad, à une cinquantaine de kilomètres seulement d'Islamabad, capitale du Pakistan. Les services de renseignement américains soupçonnaient depuis le mois d'août dernier que le Saoudien vivait dans ce complexe de trois étages protégé comme une forteresse avec sa famille et celles de deux frères, qui lui servaient de messagers.

Les autorités pakistanaises feront l'objet d'«intenses pressions pour nous prouver qu'elles ignoraient que ben Laden était là», a déclaré le sénateur du Connecticut, Joe Lieberman, lors d'une conférence de presse à Washington.

Chose certaine, le président Obama n'a pas prévenu son homologue pakistanais avant d'autoriser l'opération des Navy SEALs (forces spéciales de la marine américaine). Sous l'autorité du directeur de la CIA, Leon Panetta, deux douzaines d'hommes sont arrivés à Abbottabad à bord de deux hélicoptères Black Hawk.

40 minutes

Le commando américain, qui a passé environ 40 minutes sur le sol pakistanais, a tué Oussama ben Laden d'une balle au-dessus de l'oeil gauche. Son fils et les deux messagers ont aussi été abattus, de même que l'une des femmes de ben Laden. Selon la Maison-Blanche, le chef d'Al-Qaïda s'est servi d'elle «comme bouclier humain».

Ben Laden était recherché depuis près de 10 ans par les Américains, mais l'opération des Navy SEALs a été rendue possible par la traque de l'un de ses messagers. Celui-ci avait été identifié par son nom de guerre par des détenus de Guantánamo, qui l'avaient décrit comme proche de Khaled Cheikh Mohammed, le cerveau des attentats du 11 septembre.

L'homme avait également été présenté comme l'un des messagers en qui ben Laden avait le plus confiance. Les services de renseignement américains ont appris son vrai nom il y a quatre ans et repéré sa résidence en août dernier.

En conférence de presse, le principal conseiller antiterroriste de la Maison-Blanche n'a pas exclu hier que ben Laden ait pu recevoir l'aide des autorités pakistanaises.

«Il est inconcevable que ben Laden n'ait pas bénéficié d'un système de soutien qui lui a permis rester là pendant longtemps», a déclaré John Brennan.

Cheney félicite Obama

Le sentiment d'unité qui a animé les Américains hier s'est étendu à certaines des critiques les plus féroces de Barack Obama, dont l'ancien vice-président Dick Cheney, qui a félicité le président Obama «et les membres de son équipe de sécurité nationale», et le représentant républicain de New York, Peter King. «Beaucoup de choses auraient pu mal tourner. Pourtant, le président a eu le courage de lancer l'opération, a-t-il déclaré sur CNN. Il s'agit d'une opération brillamment menée. Je salue le président pour ce succès, l'un des plus importants de l'histoire américaine.»