Aux oubliettes, l'«espoir» et le «changement» de la campagne de 2008: pour se maintenir à la tête des États-Unis, Barack Obama a recours à des attaques personnelles incessantes contre le présidentiable républicain Mitt Romney.

Depuis dix jours, l'équipe du dirigeant démocrate sortant s'en est pris à la carrière de M. Romney dans le privé, quand il dirigeait le fonds d'investissement Bain Capital. Ses publicités montrent d'anciens employés licenciés, qui traitent M. Romney de «vampire», de «destructeur d'emploi» ou de «contraire de Robin des Bois», dépouillant les pauvres pour donner aux riches.

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L'idée-force est d'éroder l'argument principal de M. Romney: son passé d'entrepreneur ferait de lui un bon président pour l'emploi des Américains.

Même en baisse, le chômage aux États-Unis reste de trois points supérieur au taux de 2008, et le pays n'a regagné que la moitié des emplois perdus à la suite de la récession au milieu de laquelle M. Obama a pris ses fonctions.

Le président sortant lui-même a défendu la validité de ces attaques lundi lors d'une conférence de presse. «La raison pour laquelle (ces arguments) sont valides pour la campagne est parce que mon adversaire, le gouverneur Romney, vante son expérience dans les affaires comme son principal atout pour devenir président», a dit M. Obama.

«Si votre principal argument pour faire croître l'économie est que vous saviez comment faire gagner beaucoup d'argent aux investisseurs, vous ne comprenez pas ce dont il s'agit à ce poste» de président, a fait remarquer le dirigeant démocrate, qui va remettre son mandat en jeu le 6 novembre.

Des conseillers de M. Obama affirment que cette stratégie va se poursuivre, et qu'elle sera prolongée par un appel à examiner le bilan de M. Romney à la tête du Massachusetts, dont il était le gouverneur de 2003 à 2007.

M. Romney parle peu de cette période, car elle recèle une vulnérabilité pour lui: il avait à l'époque promulgué une réforme de l'assurance-maladie semblable à celle qu'avait signée M. Obama au plan national en 2010, un repoussoir pour les républicains.

Pour Christopher Malone, professeur de sciences politiques à l'Université Pace (New York), cette stratégie du camp Obama a été longuement mûrie.

«Obama n'improvise jamais. Si nous avons appris quelque chose à propos de ce président, c'est qu'il est très calculateur», explique l'universitaire. «Ils ont pris la décision de mettre la lumière sur Romney, le financier, qui ne pensait qu'aux bénéfices de ses actionnaires et non au bien collectif», dit-il.

Le vote centriste pourrait faire la différence le 6 novembre, et ce groupe est réputé se détourner des candidats ayant recours aux campagnes négatives, mais les conseillers de M. Obama assurent sous couvert de l'anonymat ne pas être inquiets et penser que les valeurs de «justice» sociale résonnent chez ces électeurs.

D'autres démocrates font dans la surenchère, comme le représentant James Clyburn qui a accusé mardi M. Romney d'avoir «violé» des entreprises.

«Violer des entreprises, les abandonner endettées, et ouvrir des comptes en Suisse et des adresses professionnelles aux îles Caïmans: j'ai un vrai problème avec ça», a dit M. Clyburn mardi sur la chaîne MSNBC.

Mais d'autres alliés du président ont manifesté leur malaise vis-à-vis d'attaques aussi musclées. Le maire démocrate de Newark (New Jersey) Cory Booker, a dénoncé comme «écoeurantes», à ses yeux, les publicités négatives.

Une porte-parole de l'équipe de M. Romney a estimé lundi que la publicité du camp Obama constituait une «attaque contre la libre entreprise». «Les Américains attendaient une façon différente d'aborder la politique de Barack Obama», selon Andrea Saul.