Un pharaon. C'est ce à quoi on comparait, il y a quelques années, le dictateur Hosni Moubarak. À juste titre, puisqu'il a dirigé l'Égypte d'une main de fer pendant près de 30 ans, tel un souverain incontestable.

Les Égyptiens ont montré la porte à Moubarak il y a maintenant plus de deux ans. Ils suivaient l'exemple des Tunisiens, qui venaient de chasser du pouvoir leur propre tyran.

Moubarak ne sévit plus. Mais le bain de sang d'hier vient rappeler que l'appareil sécuritaire répressif qu'il dirigeait est, pour l'essentiel, resté en place. Et il est toujours aussi imposant que redoutable.

Petit rappel historique crucial: le mois dernier, les militaires ont renversé le président islamiste élu démocratiquement, Mohamed Morsi, successeur de Moubarak.

Bon nombre d'Égyptiens ont applaudi. Ils n'en pouvaient plus de ce nouveau chef d'État. Ils étaient déçus par son incompétence et estimaient qu'il tentait de se comporter à son tour comme un dictateur.

Les ténors de l'opposition à Morsi ont alors pris part avec enthousiasme à ce nouveau soulèvement. Au nom de la démocratie, ils ont donné leur aval à ce coup d'État.

Aujourd'hui, ceux qui souhaitaient la perte du président islamiste déchantent. En témoigne un des événements politiques les plus significatifs de la journée d'hier: la démission du nouveau vice-président du pays, Mohamed ElBaradei.

Cet ancien lauréat du prix Nobel de la paix est depuis longtemps considéré, en Égypte comme à l'étranger, comme un de ceux qui peuvent mener à bien la transition démocratique en Égypte. Que ce politicien claque la porte en dit long sur ce qu'il pense maintenant du nouveau régime.

La journée d'hier aura été pour lui un véritable cauchemar. Pour lui et pour tous ceux qui estimaient que les militaires cherchaient, en prenant le contrôle du pays le mois dernier, à protéger la révolution.

Le signal maintenant donné par l'armée est plutôt que les bonnes vieilles méthodes pour réduire les dissidents au silence, mises à l'épreuve sous Moubarak, sont de nouveau en vigueur. Que le sang coule lui importe peu. La fin justifie les moyens.

Comment penser autrement alors qu'à l'issue de l'assaut brutal hier, le premier ministre nommé par les militaires, avec le plus grand sérieux, a salué la police pour «sa très grande retenue» !

Impossible, par conséquent, de ne pas douter de la bonne foi du général Abdel Fattah al-Sissi, nouvel homme fort du pays, quant à l'organisation d'élections libres dans un avenir proche.

Pour l'instant, parallèlement à la violence, sa stratégie semble être de marginaliser les islamistes dans le but ultime de les exclure du processus politique. Une stratégie qui, peu importe le pays arabe où elle a été utilisée au fil des ans, s'est toujours soldée par un échec.

Les militaires qui dirigent actuellement le pays auront fort à faire au cours des prochaines semaines pour convaincre qu'ils ne sont pas de nouveaux pharaons. Leur dérapage sanglant laisse présager une nouvelle ère de dirigeants autoritaires et intransigeants qui se foutent éperdument des rêves de liberté et de justice des Égyptiens.