Le président intérimaire d'Égypte a dissous vendredi l'assemblée dominée par les islamistes, fortement mobilisés au cours d'une journée de manifestations, durant laquelle au moins trois partisans du président déchu ont été tués au Caire.

Alors que les islamistes réclament «le retour du président élu» déposé mercredi soir par l'armée, le président intérimaire Adly Mansour a dans son premier décret dissous la chambre haute dominée par les islamistes qui assure l'intégralité du pouvoir législatif. Il a également nommé un nouveau chef des renseignements.

Ces décisions pourraient faire à nouveau monter la tension d'un cran alors que les accrochages entre pro-Morsi et soldats et entre pro et anti-Morsi renforcent le climat de tension dans le pays profondément divisé.

Les islamistes ont lancé un «vendredi du refus» du «coup d'État militaire» et de «l'État policier» qui a arrêté de nombreux dirigeants des Frères musulmans, la confrérie dont est issu M. Morsi, lui-même toujours détenu par l'armée.

Ils ont toutefois démenti l'arrestation de leur Guide suprême, Mohammed Badie. Ce dernier a assuré en fin d'après-midi que les partisans du président déchu resteront mobilisés «par millions» devant les manifestants pro-Morsi.

Avant les affrontements devant la Garde républicaine, ils avaient, lors de la prière hebdomadaire, invoqué Dieu pour qu'il «permette le retour de Morsi» et qu'il «libère l'Égypte des tyrans», faisant allusion à l'armée, qui avait déjà pris les rênes de l'exécutif durant 16 mois, de la chute du président Hosni Moubarak lors de la révolte de début 2011 à l'élection de M. Morsi en juin 2012.

Le camp adverse a réagi en appelant à des manifestations massives pour «défendre la révolution du 30 juin», allusion à la journée ayant vu les plus importantes manifestations contre le président déchu.

Des avions de combat survolaient le Caire où de nombreux blindés étaient déployés, après que le ministère l'Intérieur a prévenu qu'il répondrait «fermement» à tout trouble.

Appels à l'«unité»

Avant l'aube, des violences ont éclaté, cette fois-ci dans la péninsule du Sinaï, où un soldat a été tué et deux blessés dans des attaques simultanées de militants islamistes contre des postes de police et militaires, selon une source médicale.

Avant les tirs devant la Garde républicaine, Human Rights Watch (HRW) a d'ailleurs réclamé une «enquête rapide et impartiale pour déterminer les responsables» de la cinquantaine de morts déjà survenues depuis une dizaine de jours.

Après la destitution de M. Morsi et le lancement d'une vague d'arrestations contre les Frères musulmans, l'armée a appelé à rejeter la «vengeance» et à oeuvrer pour «la réconciliation nationale», tandis que M. Mansour a exhorté sur la chaîne britannique Channel 4 à l'«unité», affirmant qu'il y avait eu «assez de divisions».

Embarrassé après le renversement du premier président démocratiquement élu d'Égypte même s'il était contesté par une grande partie du peuple, l'Occident a encore exprimé son inquiétude, Washington demandant au pouvoir de ne pas procéder à des «arrestations arbitraires» dans le camp islamiste.

L'Union africaine a de son côté suspendu l'Égypte, en rejetant «toute prise illégale du pouvoir», une décision que le ministère des Affaires étrangères égyptien a dit regretter «profondément».

La mise à l'écart de M. Morsi a été annoncée par son ministre de la Défense et chef de l'armée, le général Abdel Fattah al-Sissi, nouvel homme fort du pays, après des manifestations d'une ampleur inédite réclamant sa chute.

«Éviter la guerre civile»

Le coup de l'armée, soutenu par une grande partie de la population, par l'opposition et par de hauts responsables religieux, ouvre la voie à une nouvelle et délicate période de transition dans le plus peuplé des pays arabes, près de deux ans et demi après la chute de Hosni Moubarak en février 2011.

Pour le représentant de l'opposition Mohamed ElBaradei, l'intervention de l'armée pour faire partir M. Morsi a été une «mesure douloureuse» mais nécessaire pour «éviter une guerre civile» et ne signifie pas que les militaires prennent le pouvoir.

La feuille de route sur la transition politique, rédigée par l'armée et négociée avec l'opposition et les principaux dignitaires religieux musulmans et chrétiens du pays, prévoit un cabinet «doté de pleins pouvoirs».