Sept membres présumés du groupe armé État islamique (EI) et deux policiers turcs ont été tués lundi lors d'une violente fusillade à Diyarbakir (sud-est), la plus sérieuse survenue sur le sol turc depuis qu'Ankara a rejoint la coalition antidjihadiste l'été dernier.

Cet accrochage s'est produit à l'aube lorsque des unités de la police antiterroriste à la recherche de militants djihadistes ont pris d'assaut plusieurs de leurs «planques» dans la grande métropole du sud-est à majorité kurde de la Turquie.

Il intervient à six jours d'élections législatives anticipées sous haute tension, deux semaines après un attentat-suicide attribué à l'EI qui a fait 102 morts en plein coeur d'Ankara et sur fond de reprise des affrontements entre les forces de sécurité turques et les rebelles du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK).

Deux policiers ont été tués lors de l'assaut, victimes de pièges explosifs posés par les militants djihadistes, a rapporté l'agence de presse gouvernementale Anatolie.

Cinq autres policiers ont été blessés et sept membres présumés de l'EI ont été tués lors de ces violents affrontements qui se sont poursuivis plusieurs heures dans le district de Kayapmar, a indiqué le bureau du gouverneur de Diyarbakir.

Des images diffusées sur les chaînes d'information turques ont montré des véhicules arrosant pendant de longues minutes des bâtiments à la mitrailleuse lourde.

PHOTO SERTAC KAYAR, REUTERS

Un policier des forces spéciales turques ouvre le feu alors qu'il participe à l'opération contre l'EI à Diyarbakir, le 26 octobre.

Selon le gouvernorat, 12 personnes ont été arrêtées lors de cette opération.

«Au vu des résultats, nous pouvons dire qu'une importante cellule de DAECH (l'acronyme arabe de l'EI) a été neutralisée», s'est réjoui devant la presse le vice-premier ministre Numan Kurtulmus. «Nous sommes en train d'essayer de mettre au jour leurs connexions dans d'autres villes», a-t-il ajouté, «c'est une opération importante».

Les autorités turques ont multiplié les coups de filet dans les milieux djihadistes depuis l'attentat-suicide d'Ankara, le plus meurtrier de l'histoire du pays, qui a visé un rassemblement de militants de gauche et de la cause kurde.

Quatre membres présumés de l'EI, présenté comme le «suspect numéro 1» par le premier ministre islamo-conservateur Ahmet Davutoglu, ont été inculpés et écroués.

Piste islamique

Les autorités ont également formellement identifié l'un des deux kamikazes. Il s'agit de Yunus Emre Alagöz, frère de l'auteur présumé de l'attentat de Suruç, soupçonné d'avoir combattu en Syrie dans les rangs de l'EI et membre d'une cellule djihadiste installée dans la ville conservatrice d'Adiyaman (sud).

Les médias turcs ont rapporté samedi que la police était à la recherche de quatre membres de l'EI, dont une ressortissante allemande, soupçonnés d'être entrés de Syrie en Turquie pour y commettre d'autres attentats.

L'attaque d'Ankara a eu lieu trois mois après un attentat-suicide similaire, imputé aussi à l'EI, à Suruç, à la frontière syrienne, où 34 militants prokurdes avaient été tués.

Longtemps soupçonnées de complaisance avec les mouvements les plus radicaux qui combattent le régime de Damas, sa bête noire, les autorités turques ont frappé pour la première fois des cibles de l'EI en Syrie après un incident de frontière entre ses soldats et des militants djihadistes quatre jours après l'attentat de Suruç.

La Turquie a depuis rejoint officiellement la coalition antidjihadiste dirigée par Washington.

S'il a mis en cause le rôle de l'EI dans l'attentat d'Ankara, le gouvernement turc n'a pas écarté la responsabilité d'autres groupes.

La semaine dernière, le président Recep Tayyip Erdogan a évoqué un «acte terroriste collectif» qu'il a attribué aux djihadistes, aux rebelles du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), aux milices kurdes de Syrie et aux services de renseignement de Damas.

Après l'attentat de Suruç, le PKK avait repris sa campagne d'attentats contre les policiers et les soldats turcs, accusant Ankara de ne pas protéger les Kurdes de Turquie.

Ces opérations et les bombardements de représailles menées par l'armée turque ont fait voler en éclats les discussions de paix engagées à l'automne 2012 entre Ankara et les rebelles kurdes, qui mènent la guérilla depuis 1984.

Les Turcs votent dimanche pour des législatives anticipées. Ce scrutin est crucial pour le parti de M. Erdogan, au pouvoir depuis 13 ans, qui espère retrouver la majorité gouvernementale qu'il a perdue lors des élections du 7 juin.