La coalition dirigée par les Américains en Irak planifie de mener sa propre enquête sur les circonstances de la mort du militaire canadien Andrew Joseph Doiron, abattu vendredi par un tir fratricide dans le nord du pays.

Deux enquêtes canadiennes sur l'évènement ont déjà été ouvertes, mais des experts estiment que le public ne devrait pas avoir de grandes attentes quant à leurs conclusions respectives.

Dans une entrevue accordée à La Presse Canadienne lundi, le chef d'état-major des Forces canadiennes, le général Tom Lawson, a affirmé que le quartier général de la coalition qui lutte contre l'État islamique (EI) est «intéressé à savoir ce qui s'est exactement passé et mènera sa propre enquête».

L'implication des commandants américains soulève des doutes sur la mort du sergent de 31 ans, surtout en sachant que l'intervention des forces spéciales américaines a été demandée sur les lignes de front.

Lundi, le premier ministre Stephen Harper a discuté avec son homologue irakien Haider al-Abadi. Ce dernier a offert ses condoléances pour la mort du premier militaire canadien depuis le début de la mission contre l'État islamique.

Au Parlement, le ministre canadien de la Défense, Jason Kenney, a imploré les partis d'opposition de la procédure se dérouler normalement.

«Évidemment, nos membres des forces spéciales doivent s'assurer que des mesures soient prises pour éviter que ce tragique incident ne se reproduise, a-t-il déclaré. Il y a trois enquêtes en cours dont nous espérons des résultats très rapidement.»

L'une des investigations est menée par la police militaire et une seconde a été confiée à une commission d'enquête nature technique. Toutes deux sont des procédures normales en cas de mort en service d'un soldat. La troisième enquête consiste en un examen interne des forces spéciales.

Toutefois, de profondes différences organisationnelles et culturelles amènent autant à un ancien commandant des forces spéciales qu'un réputé expert de la défense à se demander si quelqu'un pourra être tenu responsable, et si de tels incidents pourront vraiment être évités à l'avenir.

«Je ne sais pas si quelqu'un pourra être tenu responsable de ce décès», soutient Roland Paris, directeur fondateur du Centre d'études en politiques internationales de l'Université d'Ottawa.

«Doit-il y avoir un responsable ? Oui, bien sûr, mais je n'en connais pas assez sur la manière dont les Kurdes gèrent ce genre de situation pour être capable de présumer de ce qu'ils vont faire», a-t-il précisé.

Même s'il reconnaît que les Kurdes devaient être reconnus responsables de la mort du soldat Doiron, l'ancien commandant des forces spéciales Steve Day invite à la prudence. «Je ne crois pas qu'il est raisonnable de penser qu'ils devront rendre des comptes de la même manière que nous, parce que leur culture est complètement différente», fait-il valoir.

Même entre nations occidentales, juger les tirs fratricides est toujours un processus complexe et il se conclut souvent par des revers diplomatiques. En Afghanistan, par exemple, des trois tirs américains ayant atteint par erreur un soldat canadien, un seul a été jugé en cour martiale.

Selon Roland Paris, si les enquêtes en cours résultent en une mésentente publique entre les Canadiens et les Kurdes, cela pourrait causer des dommages à la relation qu'ils ont bâtie.

Le général Tom Lawson n'est pas d'accord. À son avis, les rapports qui se sont construits à coup de conseils et d'appuis au cours des six derniers mois ne seront pas facilement ébranlés.