Le fait que Mohammed Emwazi, bourreau du groupe Etat islamique (EI), était dans le collimateur des services britanniques depuis six ans, a soulevé vendredi de nouveau la question de la capacité des autorités occidentales à répondre à la menace posée par les extrémistes «de l'intérieur».

Le MI5 et la police ont été en contact au moins une douzaine de fois depuis 2009 avec celui qui a été surnommé «Jihadi John», avant qu'il ne réussite à rejoindre la Syrie en 2012, soulignait vendredi le Daily Telegraph, dénonçant des «erreurs stupides».

Les services britanniques ont même tenté d'en faire une taupe après l'avoir intercepté en 2009 en Tanzanie, soupçonné de vouloir rejoindre le groupe terroriste des shebab somaliens. Des avances repoussées par Emwazi.

En juin 2010, il a été arrêté par des officiers du contre-terrorisme alors qu'il s'apprêtait à partir au Koweït et a été placé sur une liste de personnes susceptibles de commettre un acte terroriste. Il lui est alors interdit de quitter le pays.

Face aux critiques, le gouvernement britannique a défendu l'action des services de renseignement et de police qui «font un excellent travail au jour le jour».

«Nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir, avec le concours de la police et des services de sécurité (...) pour trouver et mettre hors d'état de nuire ceux qui commettent des crimes révulsants et haineux, où que ce soit dans le monde, à l'encontre de citoyens britanniques. C'est notre priorité numéro 1», a assuré le premier ministre David Cameron, en déplacement au Pays de Galles.

Pour Olivier Guitta, consultant en sécurité et risques géopolitiques à Londres, les moyens humains disponibles ne sont toutefois pas à la hauteur des défis posés par la menace terroriste, que ce soit au Royaume-Uni, en France ou aux États-Unis.

«Pour surveiller une personne, il faut 30 officiers. Mettons qu'il y ait 1000 personnes à surveiller en Angleterre, vous avez besoin de 30 000 officiers. Nous ne les avons pas», déclare-t-il.

Des prêcheurs dealers

Point positif: Mohammed Emwazi a été rapidement repéré comme pouvant représenter une menace, comme l'avaient été les frères Kouachi, les auteurs des attaques contre Charlie Hebdo début janvier à Paris. Mais c'est le suivi qui pèche.

«Vous pouvez suivre quelqu'un pendant un an, deux ans, sans qu'il fasse quoi que ce soit, et alors vous arrêtez», souligne l'expert.

Une autre question posée par le cas Emwazi consiste à déterminer comment des jeunes gens a priori avenants, grandis loin des terrains de conflit, peuvent se retrouver embrigadés par des mouvements extrémistes au point de commettre des actes de terreur.

En une du Sun vendredi le visage doux et timide d'Emwazi, photographié à l'école lorsqu'il avait dix ans, sourit aux lecteurs. Un responsable d'association, interrogé par le quotidien, le décrit comme «un jeune homme beau, extrêmement gentil et aimable».

«Il n'a pas été dans des territoires en guerre, il n'a pas été en prison. Très probablement, il a été radicalisé par un prêcheur ou des personnes dans son entourage à l'université», observe M. Guitta qui estime que les gouvernements ne font pas assez pour lutter contre la présence de prédicateurs sur leur territoire. Il compare leur activité à celle de «vendeurs de drogue».

L'association de défense des droits des musulmans Cage a de son côté mis en cause un acharnement contre Emwazi pour expliquer sa radicalisation. Selon elle, il était prêt à recommencer une nouvelle vie au Koweït, son pays d'origine où il est né en 1988, mais en a été empêché.

Des propos que le maire de Londres Boris Johnson a dénoncés comme s'apparentant à une «apologie du terrorisme».

PHOTO THE SUN

En une du Sun vendredi le visage doux et timide d'Emwazi, photographié à l'école lorsqu'il avait dix ans, sourit aux lecteurs.