Les djihadistes ont lancé de nouvelles attaques mardi dans la ville kurde de Kobané en Syrie et dans une autre en Irak également sous contrôle des forces kurdes, qui peinent à freiner leur avancée en dépit du soutien international.

À Kobané, à quelques kilomètres de la frontière turque, plusieurs frappes de la coalition menée par les États-Unis sont venues appuyer les troupes au sol avant l'aube, selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH).

Après la nouvelle offensive lancée lundi soir par le groupe ultra-radical sunnite de l'État islamique (EI), des combats sporadiques se poursuivaient mardi dans l'est de Kobané dans le Nord syrien.

«(...) L'EI a tenté avec force d'avancer dans le centre» et au nord, proche de la Turquie, et «il y a eu deux attaques-suicides» lundi soir, a précisé à l'AFP un responsable de Kobané, Idris Nassen, réfugié en Turquie.

Les combats de lundi ont fait 17 morts dans les rangs djihadistes et cinq du côté kurde, selon l'OSDH.

Les djihadistes tentent depuis plusieurs jours d'asphyxier encore davantage Kobané, plus d'un mois après le début, le 16 septembre, de leur offensive, qui a poussé à la fuite plus de 300 000 personnes. Des centaines de personnes sont encore bloquées dans la ville.

Parallèlement, dans l'Irak voisin, les djihadistes ont poussé vers le nord et attaqué la ville de Qara Tapah, à une cinquantaine de kilomètres de la frontière iranienne. Quelque 9000 personnes ont fui, selon une source locale.

«Nous avons réclamé un soutien aérien de la coalition internationale», a déclaré un responsable militaire du secteur.

«Menaces pour la région»

En Irak, la coalition a mené ses premières frappes sur les positions de l'EI le 8 août, mais plus de trois mois après, elles commencent à montrer leurs limites face aux djihadistes qui contrôlent l'immense majorité de la province occidentale d'Al-Anbar, frontalière de la Syrie.

Des responsables américains et irakiens ont reconnu qu'une stratégie purement aérienne ne permettrait pas de gagner cette guerre, soulignant la nécessité de renforcer l'armée irakienne, totalement dépassée au début, en juin, de l'offensive de l'EI.

En attendant, la coalition multiplie les raids - plus de 140 uniquement à Kobané depuis fin septembre - et s'appuie sur les Kurdes, devenus ses meilleurs alliés dans la lutte contre l'EI.

À Téhéran, le président Hassan Rohani a reçu mardi le nouveau premier ministre irakien Haïdar al-Abadi, pour discuter de la lutte contre l'EI.

Les djihadistes sont «une menace pour la région, et ces groupes terroristes tentent de créer la division entre chiites et sunnites», a déclaré M. Abadi, dont c'est la première visite en Iran depuis sa prise de fonction.

Depuis juin, Téhéran a fourni des armes aux combattants kurdes et envoyé des conseillers militaires auprès des forces de Bagdad, mais nie la présence de troupes au sol.

Par ailleurs à Bagdad, deux attentats à la voiture piégée ont tué mardi au moins douze personnes dans un quartier chiite, nouvelle attaque ciblée à l'approche de l'importante grande fête chiite de l'Achoura à la fin de la semaine.

Pas encore de peshmergas à Kobané

La région autonome du Kurdistan irakien a promis d'envoyer des hommes à Kobané après le feu vert donné par la Turquie au passage des peshmergas (combattants kurdes) par sa frontière.

«Nous avons des jeunes Kurdes originaires du Kurdistan occidental (la Syrie, NDLR) que nous avons entraînés au Kurdistan (irakien). Nous allons les envoyer au combat», a déclaré à l'AFP Halgord Hekmet, porte-parole des peshmergas.

Mais «nous n'avons pas d'autres forces à envoyer», a-t-il souligné, l'Irak étant lui-même en proie depuis le 9 juin à une offensive de l'EI, qui s'est emparé de vastes pans de territoire en Irak et en Syrie.

Idris Nassen, le responsable de Kobané, a indiqué mardi qu'aucun peshmerga n'était encore arrivé dans la ville. «Nous n'avons aucune information à ce sujet».

Washington a salué la décision d'Ankara qui, malgré les pressions de ses alliés, a jusqu'à présent refusé toute intervention militaire pour aider les combattants kurdes de Syrie, estimant que cela ne ferait que renforcer le président syrien Bachar al-Assad, sa bête noire.

Les États-Unis entendent continuer de discuter avec la Turquie pour l'impliquer davantage contre l'EI, un groupe fort de dizaines de milliers d'hommes et responsable de terribles exactions - viols, rapts, exécutions, décapitations - dans le «califat» qu'il a proclamé fin juin sur les régions sous son contrôle en Irak et en Syrie.

Une cargaison tombée chez l'EI

Au moins une cargaison larguée par des avions américains pour les combattants kurdes à la lisière de Kobané est en fait tombée dans un secteur contrôlé par le groupe Etat islamique (EI), selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme.

Dans la nuit de dimanche à lundi, des avions de la coalition avaient parachuté des caisses d'armes, de munitions et de médicaments destinées aux combattants kurdes des Unités de protection du peuple (YPG) qui affrontent depuis plus d'un mois l'EI.

«Une cargaison parachutée a été prise par l'EI et il y a des rapports contradictoires sur une seconde. Selon une source, elle est aussi aux mains des djihadistes tandis que selon une autre source, elle a été détruite par la coalition», affirme l'OSDH.

Le Commandement militaire américain chargé de la région (Centcom) avait annoncé lundi avoir été obligé de détruire une des palettes de matériel qui s'était égarée lors du largage, pour éviter qu'elle ne tombe aux mains du groupe État islamique.

Dans une vidéo, postée sur l'internet et intitulée «armes et munitions jetées par les avions américains et tombées dans une région contrôlée par l'EI à Kobané», un homme masqué et portant une kalachnikov, marche près de cartons reliés à un parachute.

«Ce sont les aides américaines jetées aux infidèles», dit-il, avant d'ouvrir l'un d'eux renfermant des roquettes et des grenades. «Dieu soit loué c'est un butin pour les moudjahidin», ajoute-t-il.

Les Kurdes tiendraient la majeure partie de Kobané

Les forces kurdes contrôlent la majeure partie de la ville de Kobané à la frontière syro-turque, et les djihadistes du groupe Etat islamique n'ont pas réussi à progresser sur le terrain ces derniers jours, a affirmé mardi le Pentagone.

La situation reste «fragile» mais pour le moment les forces kurdes --récemment réapprovisionnées en armes, munitions et médicaments par des parachutages américains-- tiennent bon et les assauts des djihadistes sont freinés par les frappes aériennes de la coalition, a expliqué le porte-parole du département de la Défense, l'amiral John Kirby, lors d'un point de presse.

«La situation à Kobané reste fragile, mais nous estimons que la majeure partie de la ville est sous le contrôle des Kurdes», a-t-il dit.

«Pour autant, les forces du groupe Etat islamique continuent de la menacer», avec d'importants groupes de combattants dans certaines parties de la ville, a-t-il ajouté.

«L'État islamique n'a pas progressé à Kobané ces derniers jours», mais «cela peut changer», a-t-il mis en garde.

La ville syrienne de Kobané, qui se trouve tout près de la frontière turque, semblait en passe de tomber aux mains des djihadistes extrémistes quand les États-Unis et quelques alliés arabes ont multiplié les frappes aériennes, parfois plus d'une vingtaine par jour.

Les États-Unis estiment avoir tué plusieurs centaines de combattants de l'EI grâce à ces frappes.