Le Canada part en guerre en Irak, six mois seulement après avoir retiré complètement ses troupes de l'Afghanistan au terme d'une mission militaire de plus de 10 ans.

Le premier ministre Stephen Harper a confirmé hier à la Chambre des communes l'envoi de six avions de chasse CF-18 en Irak afin de participer aux frappes aériennes de la coalition internationale contre des cibles du groupe armé État islamique (EI). Une mission qui pourrait durer jusqu'à six mois.

S'il écarte catégoriquement le déploiement de troupes au sol dans ce pays du Proche-Orient pour contrer la menace des djihadistes de l'EI, M. Harper évoque pour la première fois la possibilité que les CF-18 participent également à des frappes aériennes en Syrie, à condition toutefois que le régime de Bachar al- Assad en fasse la demande.

Le chef du NPD, Thomas Mulcair, et le chef libéral, Justin Trudeau, s'opposent à cette mission, estimant que le Canada pourrait davantage mettre l'accent sur l'aide humanitaire aux réfugiés au lieu de participer à des raids aériens.

Dans un discours au ton solennel, hier aux Communes, le premier ministre a expliqué la nature de la mission que son gouvernement entend confier aux troupes canadiennes au sein de la coalition internationale assemblée par les États-Unis. Un débat aura lieu lundi au Parlement et les députés devraient voter sur cette mission de combat le même jour.

Outre l'envoi d'une demi-douzaine de CF-18, le Canada mettra à la disposition de la coalition un avion stratégique permettant de ravitailler en carburant les avions de chasse en plein vol ainsi que deux appareils Aurora pour mener des missions de renseignement, de reconnaissance et de surveillance. En tout, 600 membres des Forces canadiennes seront affectés à cette mission de combat.

M. Harper a aussi indiqué qu'il prolonge la mission de 69 militaires dans le nord de l'Irak. Ces soldats d'élite ont pour mission de conseiller les troupes irakiennes sur les mesures à prendre pour contrer l'EI.

Une menace pour le Canada

Affirmant que l'EI représente une menace non seulement pour la région du Proche-Orient, mais aussi pour le Canada, M. Harper a soutenu que cette mission est nécessaire pour mettre fin aux atrocités commises par cette organisation terroriste, assurer la sécurité régionale et mondiale, «et, bien sûr, la sécurité des Canadiens».

«Cette mission arrêtera la propagation de l'État islamique dans la région...et diminuera de beaucoup sa capacité de mener des attaques terroristes à l'extérieur de la région», a déclaré le premier ministre dans un discours solennel à la Chambre des communes

«Cette intervention ne permettra pas d'éliminer l'État islamique ni de garantir automatiquement qu'une autre forme de gouvernance puisse prendre sa place en Irak ou en Syrie. Elle permettra toutefois de donner la possibilité à d'autres de le faire», a-t-il ajouté, faisant allusion aux forces kurdes qui combattent dans le nord de l'Irak.

Et la Syrie?

Dans son discours, le premier ministre a écarté l'idée de déployer des soldats dans le cadre d'opérations de combat terrestre. Mais pour la première fois, il a évoqué l'idée que les troupes canadiennes participent à des frappes aériennes en Syrie si le régime au pouvoir en faisait la requête pour détruire les cibles de l'EI.

«Nous allons attaquer l'EI uniquement là où le Canada a clairement l'appui du gouvernement du pays en question. En ce moment, c'est seulement le cas en Irak. Si cela devait être le cas aussi en Syrie, nous participerons aux frappes aériennes contre l'EI également dans ce pays», a affirmé M. Harper.

«Le gouvernement du Canada ne cache pas le dégoût que nous inspirent les actions du régime Assad, mais ce que nous faisons, c'est participer à une opération antiterroriste contre les terroristes alliés à l'État islamique. Nous ne voulons faire la guerre à aucun gouvernement dans la région», a-t-il dit.

Réactions de l'opposition

Après le discours de M. Harper, le chef du NPD, Thomas Mulcair, a immédiatement rejeté la mission de combat proposée par le gouvernement conservateur, affirmant que «le Canada se précipite dans une guerre» de manière aveugle qui pourrait durer aussi longtemps que celle en Afghanistan.

«Le Canada vient tout juste de compléter son engagement en Afghanistan. Ce qui au début devait aussi être une mission restreinte et de courte durée a été le théâtre d'opérations où nos militaires ont été déployés le plus longtemps de notre histoire. Douze ans, 30 milliards de dollars, plus de 40 000 vétérans de cette guerre, 160 morts, des milliers de blessés, des milliers d'autres qui souffrent du trouble de stress post-traumatique. Mission accomplie, ça?», a lancé M. Mulcair.

Pour sa part, M. Trudeau a soutenu que le premier ministre n'a pas fait la démonstration que cette mission de combat est justifiée. «Le premier ministre et le gouvernement nous ont donné peu de raisons de croire que notre rôle sera limité une fois que nous serons au front», a-t-il dit.

La contribution du Canada

> Durée de la mission : six mois

> Six avions de chasse CF-18 pour participer aux frappes aériennes de la coalition internationale

> Un avion stratégique CC-150 Polaris pour ravitailler en carburant les avions de chasse en plein vol

> Deux appareils Aurora pour mener des missions de renseignement, de reconnaissance et de surveillance