L'ancien directeur du FMI Dominique Strauss-Kahn a achevé jeudi trois jours d'audition éprouvants devant le tribunal français qui le juge pour proxénétisme, resté jusqu'au bout solide dans l'épreuve de l'étalage de sa vie intime.

Au fil des jours, il a semblé prendre de plus en plus d'assurance à la barre, sous les yeux de centaines de journalistes et devant des parties civiles qui ne l'ont pas ménagé.

«Il tient sa ligne de défense de manière extrêmement ferme, avec une certaine rouerie, une certaine habileté», a reconnu Gilles Maton, un avocat des deux prostituées parties civiles, lors d'une suspension d'audience.

Dès le premier jour, DSK a posé les bases de sa défense, en assurant n'avoir jamais su que les jeunes femmes qui lui ont été présentées pour des soirées libertines étaient des prostituées. C'est la question clé du procès.

«Je ne m'estime en rien l'organisateur de ces soirées», a-t-il déclaré mardi.

Jugé avec 13 autres prévenus, trois ans et demi après le scandale sexuel de l'hôtel Sofitel de New York qui a brisé sa carrière politique, il avait débuté ces auditions devant le tribunal correctionnel de Lille (nord) tendu, la mine sombre, et accueilli par des militantes du mouvement Femen aux cris de «macs, clients, déclarés coupables».

Mais très vite, l'ancien favori à la présidentielle française de 2012, qui risque jusqu'à 10 ans de prison, a pris ses marques.

Confronté le premier jour à deux anciennes prostituées Mounia et Jade, qui ont évoqué la brutalité qu'elles ont éprouvée de la part de DSK, ce dernier est resté impassible.

Assumant son goût pour une sexualité de groupe, il a parlé de «séances de récréation», loin de «l'abattage» évoqué par ses anciennes partenaires.

Il a aussi expliqué son aversion pour le recours aux travailleuses du sexe : «ça ne me plaît pas, parce que j'aime que ce soit la fête».

Suprême habileté, ou sincérité, il s'est même levé pour prendre la défense de ses accusatrices. «Elle mérite notre compassion», a avancé M. Strauss-Kahn à l'endroit de Jade.

Le deuxième jour, le calme et la bonhomie ont fait place à l'agacement. Face à l'avocat d'une association de lutte contre le proxénétisme, DSK a déclaré «en avoir un peu assez», s'indignant que la rudesse de ses pratiques sexuelles puisse être considérée comme une preuve à charge.

Au troisième jour, Dominique Strauss-Kahn est apparu rasséréné.

Il était sommé de s'expliquer sur l'existence d'une «garçonnière» parisienne, appartement qu'il n'a pas loué à son nom. L'une des infractions caractérisant le proxénétisme est de tenir des locaux privés à disposition de personnes en sachant qu'elles s'y livreront à la prostitution.

DSK a alors invoqué la discrétion nécessaire à sa vie privée, alors qu'il était marié.

Plusieurs soirées «libertines» s'y sont tenues, deux «escortes» s'y sont rendues, mais les dates sont imprécises. De plus, elles se sont elles-mêmes définies comme libertines et non comme des prostituées.

Des femmes qualifiées de «matériel»

Quelques minutes plus tôt, l'ancien ministre socialiste s'était permis un ton ironique quand le tribunal a fait la lecture des textos échangés avec son ami Fabrice Paszkowski, assis sur le banc des prévenus.

«Veux-tu venir découvrir une magnifique boîte coquine à Madrid avec moi et du matériel ?», écrivait ainsi DSK.

«Du langage de corps de garde», assure aujourd'hui DSK. «Le mot de matériel n'est utilisé qu'une fois», argumente-t-il, précisant qu'il utilisait parfois le prénom des jeunes femmes

Il s'appuie également sur certains textos, dans lesquels il parle de «passer» à un dîner auquel il est invité, pour affirmer qu'il n'est pas l'instigateur des soirées pour lesquelles il risque aussi jusqu'à 1,5 million d'euros d'amende.

«De l'humanité dans ce moment glauque»

Dans l'après-midi, un représentant d'une association qui aide les femmes voulant s'extraire du monde de la prostitution s'est avancé dans le prétoire.

«Sortir de la prostitution, c'est sortir d'un tombeau, d'une non-existence», a déclaré Bernard Lemettre qui a évoqué une loi à l'étude visant à pénaliser les clients.

«Je voudrais qu'elle serve aux petits garçons qui naissent aujourd'hui et grandiront dans un pays où être client n'est pas la normalité», ajoute-t-il.

«Merci pour ce moment d'humanité dans ce moment glauque», lui répond spontanément Me Henri Leclerc, l'un des avocats de DSK.

DSK assistera de lundi à mercredi prochain aux plaidoiries et réquisitions.

Le parquet va probablement requérir pour lui la relaxe, mais les juges peuvent en décider autrement.