Le parti islamiste Ennahda, au pouvoir en Tunisie, débattait jeudi du choix d'un successeur au Premier ministre Hamadi Jebali, son numéro deux, qui a fait ses adieux aux Tunisiens après avoir refusé d'être reconduit à la tête du gouvernement.

Dans le même temps, le ministre de l'Intérieur, Ali Larayedh, a annoncé l'arrestation de suspects dans l'assassinat il y a deux semaines de l'opposant de gauche Chokri Belaïd, qui avait plongé le pays dans la tourmente.

M. Jebali s'est adressé aux Tunisiens à la télévision, se disant convaincu que son initiative en vue d'un gouvernement apolitique était «la meilleure solution» pour sortir la Tunisie de la crise.

Il a rejeté la responsabilité de son échec sur l'ensemble de la classe politique, les syndicats, les milieux d'affaires et les ingérences de pays «frères et amis», prenant soin de ne pas couper les ponts avec son parti.

L'allocution a été diffusée au moment où le Majlis al-Choura d'Ennahda, une instance consultative de 130 membres d'Ennajhda, débattait de la désignation de son successeur.

M. Jebali a ensuite rejoint la réunion, donnant l'accolade au chef du parti, Rached Ghannouchi, sous les applaudissements. Le candidat devrait être connu dans la nuit et présenté vendredi au chef de l'État, selon un participant.

«Il y a quatre candidats au poste de Premier ministre, Ali Larayedh (actuel ministre de l'Intérieur), Mohamed Ben Salem (Agriculture), Noureddine Bhiri (Justice) et Abdellatif Mekki (Santé)», a déclaré dans la matinée le porte-parole d'Ennahda, Mongi Gharbi.

Le parti a ensuite annoncé que M. Jebali s'était «excusé de ne pouvoir accepter son offre d'être le candidat au poste de chef du gouvernement» et a espéré nommer un nouveau Premier ministre «avant la fin de la semaine».

M. Jebali avait annoncé mardi sa démission, après le rejet par son parti de son initiative, prise le 6 février, au soir de l'assassinat de M. Belaïd, qui a exacerbé la crise politique latente depuis des mois en Tunisie.

Cette idée a été bien accueillie par une large partie de l'opposition et de l'opinion publique et par l'un des deux alliés d'Ennahda, Ettakatol, parti laïque du chef de l'Assemblée nationale constituante (ANC) Mustapha Ben Jaafar.

Elle s'est en revanche heurtée au refus des durs d'Ennahda et du Congrès pour la République (CPR) du président Moncef Marzouki, autre parti associé au pouvoir, ainsi que par des dissidents de ce parti formant le mouvement Wafa.

Fort de 89 élus à l'ANC, Ennahda peut réunir 109 votes sur 217 pour approuver la composition du gouvernement, mais le parti tente de trouver le consensus politique le plus large possible. Il peut déjà compter sur le CPR qui a affirmé jeudi être prêt à participer au prochain gouvernement.

Dans l'opposition, l'idée d'un gouvernement apolitique avait été bien accueillie, en particulier par ceux qui cherchent à soustraire à Ennahda les ministères régaliens et en premier lieu celui de l'Intérieur.

Deux ans après la révolution, l'ANC n'est toujours pas parvenue à rédiger une Constitution, préalable à des élections, et les problèmes du chômage et de la pauvreté, à l'origine de la révolte qui a chassé l'ancien président Zine El Abidine Ben Ali, n'ont pas trouvé un début de solution.

La montée des salafistes, responsables d'attaques, fait craindre une explosion de violences, comme l'a rappelé jeudi l'annonce de la découverte d'une cache d'armes et de l'arrestation de treize suspects de cette mouvance.

Deux policiers ont été blessés jeudi, dans des échanges de tirs avec des salafistes qui ont réussi à prendre la fuite dans la ville de Sidi Bouzid, berceau de la révolution tunisienne dans le sud-ouest défavorisé.

La famille de Chokri Belaïd accuse Ennahda d'être impliqué dans son assassinat. De son côté, le ministre de l'Intérieur, Ali Larayedh, a annoncé jeudi l'arrestation de suspects, mais sans donner de détails, arguant du secret de l'instruction.

«L'enquête n'a pas encore abouti à l'identification du tueur, de ceux qui sont derrière cet assassinat et de ses mobiles», a-t-il indiqué.