La bataille d'Abidjan a connu samedi une nouvelle montée en puissance avec l'attaque contre le Golf Hôtel d'Abidjan, quartier-général du président reconnu par la communauté internationale, Alassane Ouattara, par les hommes du président sortant Laurent Gbagbo.

Son porte-parole, Ahoua Don Mello, a toutefois vivement démenti en soirée auprès de l'AFP que cette attaque a été menée par ses forces: «C'est absolument faux. Il n'y a pas eu d'attaque du Golf», a-t-il dit, qualifiant l'incident d'«attaque imaginaire».

«Le président Gbagbo appelle à la résistance contre les bombardements et les agissements de l'armée française en Côte d'Ivoire, car en définitive c'est l'armée française qui nous attaque», a par ailleurs indiqué Ahoua Don Mello.

«Nos troupes sont en train de se reconstituer après avoir subi une attaque barbare des rebelles appuyés par l'ONU et Licorne», a-t-il ajouté.

Menée après une journée relativement calme à Abidjan, ces tirs contre le Golf Hôtel sont les premiers visant directement l'hôtel où sont retranchés M. Ouattara et son gouvernement depuis le début de la crise postélectorale ivoirienne, il y a plus de quatre mois.

«Nous sommes attaqués à l'arme lourde et légère. Ça fait trembler les murs, le personnel est en train d'être évacué dans les sous-sols», a déclaré un employé de l'hôtel. Selon plusieurs témoins, les tirs ont débuté avant 17 h locales et GMT et se sont achevés peu après 18 h.

Les Forces de défense et de sécurité (FDS, pro-Gbagbo) «sont en train de nous attaquer et nous essayons de les repousser», a indiqué un combattant des Forces républicaines de M. Ouattara.

«Les tirs sont très, très proches. Des snipers ont tiré des rafales de kalachnikov. Les pro-Gbagbo nous attaquent sur tous les fronts», y compris depuis le bord opposé de la Lagune qui longe le Golf hôtel, a déclaré un résident du Golf hôtel.

«Avant l'attaque du Golf hôtel, un convoi de soldats FRCI (Forces républicaines, pro-Ouattara) est tombé dans une embuscade alors qu'il sortait de l'hôtel en direction d'Abobo (nord d'Abijan)», a déclaré à l'AFP un responsable militaire du camp Ouattara.

«Il y a au moins quatre morts et une dizaine de blessés», a-t-il ajouté. Il n'était pas possible dans l'immédiat de confirmer ce bilan.

Les Casques bleus défendant le QG de Ouattara ont riposté samedi après cette attaque au mortier, a annoncé la mission de l'ONU en Côte d'Ivoire (ONUCI).

«C'est venu de l'autre côté de la lagune (au sud de l'hôtel) et de la résidence du président Gbagbo (situé dans le même quartier de Cocody)», a déclaré Hamadoun Touré, porte-parole de l'ONUCI.

«Conformément à leur mandat de protection de l'hôtel du Golf où se trouve le président Ouattara et son équipe, les Casques bleus ont riposté en ciblant l'origine des tirs venant de l'autre côté de la Lagune. Nous avons volontairement évité la résidence du président Gbagbo», a ajouté le porte-parole.

Sur le terrain, une accalmie avait prévalu samedi à Abidjan après de violents combats la veille à la mitrailleuse lourde et à l'arme légère qui ont fait rage dans le périmètre qui englobe la résidence de M. Gbagbo, la RTI et l'école de gendarmerie.

Les troupes de Laurent Gbagbo se battent avec acharnement dans les fiefs qu'elles ont conservés et où elles bénéficient d'une certaine mobilité, selon des témoignages concordants.

Les troupes d'Alassane Ouattarra essaient de sécuriser le reste de la capitale économique qui souffre d'une grave situation alimentaire.

L'organisation de défense des droits de l'homme Human Rights Watch a accusé samedi les forces pro-Ouattara et les forces pro-Gbagbo d'avoir commis des massacres dans l'Ouest ivoirien, affirmant détenir de nouvelles preuves de ces atrocités déjà dénoncées par l'ONU et des ONG.

Les forces loyales à Alassane Ouattara ont tué ou violé des centaines de personnes et brûlé des villages, fin mars, dans l'ouest de la Côte d'Ivoire, a affirmé HRW dans un rapport publié à New York.

L'ONG affirme aussi avoir des preuves d'atrocités commises par les forces de Laurent Gbagbo, dont un massacre commis à Blolequin le 28 mars de plus de cent hommes, femmes et enfants originaires du nord de la Côte d'Ivoire et de pays voisins. Le 29, dix autres de même origine ont été tués à Guiglo et huit Togolais dans un village près de Blolequin, ajoute HRW.

Dans ce contexte, l'ONU et la force française Licorne ont confirmé leur présence samedi dans le port stratégique d'Abidjan après la levée des sanctions européennes, annoncée vendredi, à l'encontre de deux grands ports de Côte d'Ivoire - Abidjan et San Pedro - ainsi que contre plusieurs entreprises liées notamment au secteur du cacao.

D'importants stocks de fèves de cacao, la principale source de devises du pays, le premier producteur mondial, attendent depuis des semaines de partir à l'exportation.

D'autre part, un vol d'Air France est arrivé samedi matin à l'aéroport d'Abidjan, selon une source militaire française, pour qui la reprise des vols commerciaux est «effective».