Guillaume Soro, premier ministre de l'un des deux présidents ivoiriens proclamés Alassane Ouattara, a demandé mercredi à la communauté internationale de faire usage de la force pour déloger du pouvoir son rival Laurent Gbagbo qui vient de réaffirmer qu'il est le «président».

«Après toute la pression internationale et les sanctions qui n'ont pas produit d'effet sur M. Gbagbo, il est évident qu'il n'y a qu'une solution qui reste, celle de la force», a déclaré Soro à une chaîne de télévision française.

«Je demande au Conseil de sécurité des Nations unies, à l'Union européenne, à l'Union africaine et à la Cédéao (Communauté économique des États d'Afrique de l'Ouest) d'envisager la force», a-t-il ajouté.

Cet appel est intervenu après une recommandation de la France à ses ressortissants de quitter «provisoirement» la Côte d'Ivoire, également faite par l'Allemagne, la Suède et le Portugal.

«Tous les ingrédients d'une guerre civile sont réunis et c'est peut-être ce qui a inspiré la décision de Paris», selon Soro. «Nous sommes face à une folie meurtrière et il n'est pas exclu que ce régime (...) devienne de plus en plus violent et suive la voie suicidaire», a-t-il dit.

Le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, avait également mis mardi en garde contre «le risque réel de guerre civile» et son prédecessuer, Kofi Annan, a exhorté Gbagbo à partir et «à ne pas déclencher la violence».

Les pressions politiques, sanctions et menaces, n'ont eu apparemment aucun effet sur Gbagbo qui dans un discours mardi, n'a laissé planer aucun doute: «je suis le président de la République».

Il a proposé un «comité d'évaluation» pour un «règlement pacifique» de la crise qui, selon l'ONU a fait au moins 50 morts en moins d'une semaine.

Ce comité, dirigé par un Africain, comprendrait des représentants de la communauté internationale, y compris l'UE et les États-Unis qui lui ont imposé des sanctions ciblées ainsi qu'à son entourage.

L'UE considère cette «main tendue» comme un «faux message d'apaisement» pour tenter de diviser les Africains, selon un diplomate européen de haut rang.

Le camp Ouattara a également rejeté les propositions de Gbagbo, l'accusant de «défier» le monde et le président de la Banque Mondiale (BM), l'américain Robert Zoellick, a annoncé depuis Paris que son institution gelait les financements de la Côte d'Ivoire.

Le seul à avoir apporté un soutien à Gbagbo est le ministre angolais des Affaires étrangères Jorge Chicote qui a prôné la «non ingérence de la communauté internationale dans les divergences électorales en Côte d'Ivoire».

Les habitants de la capitale économique Abidjan semblaient vouloir ignorer la crise à l'approche de Noël et n'ont pas répondu mercredi à l'appel à la «désobéissance» au gouvernement Gbagbo, lancé la veille par le camp Ouattara.

En signe de détente avant les fêtes, l'armée loyale à Gbagbo a levé mardi soir le couvre-feu en vigueur depuis la veille de la présidentielle controversée du 28 novembre.

Si Gbagbo a bien «tendu la main» à son rival, il le considère toujours comme son opposant, rien de plus. Il l'a exhorté, avec Soro, également chef de l'ex-rébellion des Forces nouvelles (FN), à quitter l'hôtel d'Abidjan qui leur sert de quartier général.

Protégé par les FN et les Casques bleus de la mission de l'ONU en Côte d'Ivoire (Onuci), l'hôtel est soumis à un blocus des forces pro-Gbagbo depuis plusieurs jours, ce qui inquiète l'ONU. Les barrages n'étaient pas levés mercredi.

Gbagbo a redit que, par la «voie diplomatique», il comptait obtenir le départ de l'Onuci et des soldats français de l'opération Licorne, accusés de soutenir militairement les FN qui tiennent le nord du pays depuis 2002.

Des centaines de personnes ont manifesté à Bouaké (centre), fief des FN, en faveur du maintien de l'ONU en Côte d'Ivoire, tandis qu'à Abidjan, des femmes ont manifesté elles contre les enlèvements commis de nuit par des hommes armés fidèles à Gbagbo dont certains ne parlaient pas bien français.

La présidente libérienne Ellen Johnson Sirleaf a confirmé la présence de mercenaires de son pays en Côte d'Ivoire et a averti qu'ils risquaient d'être poursuivis en justice.