En juin 2008, l'ancien secrétaire général de l'OTAN, Jaap de Hoop Scheffer, s'est demandé à voix haute lequel des deux Hamid Karzaï allait se présenter à une conférence internationale sur l'Afghanistan tenue à Paris, «le politicien pachtoune instable ou le dirigeant national rationnel».

L'interrogation de l'homme d'État néerlandais est citée dans l'un des câbles diplomatiques américains obtenus par WikiLeaks et divulgués hier par le New York Times et le Guardian, entre autres journaux, qui présentent le président afghan comme un dirigeant doté d'une double personnalité.

L'ambassadeur américain à Kaboul, le général à la retraite Karl Eikenberry, a défini ainsi les deux Karzaï dans un câble: «Le premier est un individu faible et paranoïaque ignorant des principes rudimentaires de l'édification d'une nation et exagérément conscient que le temps de l'adulation internationale dont il était l'objet est passé. L'autre est un politicien très rusé qui se voit comme un héros national capable de sauver le pays de la décentralisation, pièce maîtresse du programme d'Abdullah (son principal rival lors des élections de 2009).»

Corruption généralisée

Les télégrammes diplomatiques laissent clairement entendre que ni l'un ni l'autre de ces Karzaï ne jouit aujourd'hui de la pleine confiance de Washington. Aux yeux des Américains, le président afghan incarne trop bien la corruption généralisée au sein du gouvernement de son pays. L'ambassade des États-Unis à Kaboul a notamment exprimé son désarroi après qu'il eut gracié cinq policiers frontaliers surpris en possession de 124 kilos d'héroïne, d'après un câble d'août 2009.

L'ambassadeur Eikenberry a résumé dans un autre télégramme le dilemme auquel font face les Américains après une rencontre avec le demi-frère du président, Ahmed Wali Karzaï, l'homme le plus puissant de Kandahar, qui est soupçonné de s'être enrichi grâce au trafic de drogue.

«La rencontre avec AWK illustre un de nos plus grands défis en Afghanistan: comment combattre la corruption et établir un lien entre le peuple et son gouvernement lorsque des responsables gouvernementaux clés sont eux-mêmes corrompus», a écrit le diplomate.

Dans un autre câble dont le contenu était connu avant même les fuites de WikiLeaks, l'ambassadeur américain à Kaboul avait écrit que le président Karzaï n'était pas un «partenaire stratégique adéquat» pour les États-Unis en Afghanistan.