Essai à transformer pour le camp du président élu François Hollande, défi de l'union pour les partisans du président battu Nicolas Sarkozy: gauche et droite françaises replongeaient dès lundi dans une nouvelle campagne électorale, celle des législatives des 10 et 17 juin.

Chez les vainqueurs, les appels à la mobilisation de «tous ceux qui veulent le changement» pour donner au président socialiste une «majorité nette» et lui permettre d'engager ses réformes se sont multipliés, tandis qu'à droite on agitait le spectre d'un pays où la gauche tiendrait dans ses mains tous les pouvoirs.

La porte-parole de campagne de Nicolas Sarkozy, Nathalie Kosciusko-Morizet, a donné le ton en souhaitant un «rééquilibrage» des pouvoirs, alors que la gauche détient déjà la présidence de la République, le Sénat et la plupart des régions.

«Le président de la République a besoin d'une majorité. Une cohabitation (gauche-droite) au mois de juin, cela n'aurait aucun sens», a répliqué le porte-parole de François Hollande, Manuel Valls.

À peine élu dimanche soir, François Hollande avait appelé à «donner une majorité au président de la République».

Mais la bataille promet d'être rude: les premiers sondages donnaient dimanche soir le PS et l'UMP (Union pour un mouvement populaire), le parti de Nicolas Sarkozy, au coude-à-coude pour le premier tour (31 et 30%).

La France est régie par un système politique présidentiel à forte composante parlementaire: le premier ministre nommé par le chef de l'État est issu de la majorité parlementaire, et si celle-ci n'est pas de la même couleur politique que le président, c'est le chef du gouvernement qui devient le personnage clé de l'exécutif.

Les Français ont toujours donné une majorité au président qu'ils venaient d'installer à l'Élysée: François Mitterrand par deux fois en 1981 et 1988, et Jacques Chirac en 2002. Les cas de «cohabitation» sont intervenus lorsque des législatives ont eu lieu sans lien avec la présidentielle, comme lors de la dissolution de l'Assemblée nationale par Jacques Chirac en 1997.

Le cas de figure le plus favorable pour François Hollande serait que le Parti socialiste remporte à lui seul la majorité des 577 sièges de l'Assemblée nationale. Sa victoire plus étroite qu'espérée à la présidentielle, avec 51,62% des voix, rend cet objectif difficile même si le mode de scrutin, majoritaire à deux tours, peut permettre un tel succès.

Un accord signé bien avant la présidentielle prévoit cependant que le PS cède aux écologistes plusieurs circonscriptions gagnables, malgré le faible score à la présidentielle de leur candidate Eva Joly (2,23%).

La Gauche radicale, elle, ne fait pas partie de la majorité présidentielle même si son chef de file Jean-Luc Mélenchon (11% le 22 avril) a appelé à voter au second tour pour François Hollande.

Elle compte tirer son épingle du jeu grâce à la forte implantation du Parti communiste dans certains départements, et plaide auprès du Parti socialiste en faveur d'une entente dans les circonscriptions où leur division ferait courir le risque de l'élection d'un candidat d'extrême droite.

Car le Front National, fort de sa position d'arbitre avec les 17,9% de suffrages remportés par sa candidate Marine Le Pen au premier tour de la présidentielle le 22 avril, compte bien jouer les trouble-fêtes et s'imposer comme le pivot d'une recomposition de la droite en convainquant une partie de celle-ci de faire alliance avec lui.

Lundi un député de droite, Jean-Paul Garraud, a ainsi prôné une attitude «pragmatique» sur la question du rapprochement avec le FN. Un raisonnement rejeté par le premier ministre François Fillon, un des principaux ténors de l'UMP.

«Notre devoir, c'est le rassemblement de l'UMP. Il faut se battre sur nos convictions politiques. Il ne faut ni céder aux intimidations de la gauche qui réclame tous les pouvoirs (...) ni céder aux menaces de l'extrême droite, dont le but est de nous diviser pour ensuite nous briser», a-t-il mis en garde dans des propos confirmés par son entourage.

La défaite de M. Sarkozy ouvre une période de fortes turbulences pour l'UMP, même si les responsables ténors qui se sont réunis lundi après-midi autour du président sortant espèrent préserver l'unité au moins jusqu'aux législatives.

Le président sortant, dont la campagne très à droite commence à être ouvertement critiquée par certains lieutenants, a déjà averti dimanche ses partisans qu'il ne mènerait pas la bataille avec eux et a indiqué qu'il se mettait en retrait de la politique.