Deux ans après avoir élu Barack Obama à la Maison-Blanche, les électeurs américains retourneront aux urnes mardi, pour les élections de mi-mandat. Même si son nom ne figurera pas sur les bulletins de vote, le président sera en partie responsable du verdict électoral, qui pourrait être dévastateur pour ses alliés démocrates du Congrès et lui.

Le candidat qui a su inspirer des millions d'Américains grâce à ses talents d'orateur durant la campagne présidentielle de 2008 a cédé la place à un président dont l'une des plus grandes erreurs aura été de communiquer au public un message confus sur ses réalisations.

Barack Obama a commis d'autres erreurs qui pèseront sur le vote des Américains. Le verdict pourrait être sévère, voire humiliant pour le président et ses alliés démocrates - le Sénat et la Chambre des représentants pourraient bien passer aux mains des républicains.

Mais, étonnamment, son problème de communication dépasse en importance tous les autres qu'il aurait pu éviter depuis son arrivée à la Maison-Blanche, selon plusieurs analystes, dont Ross Baker, politologue réputé de l'Université Rutgers.

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«Le président est très éloquent, il est un grand orateur, mais il a été incapable d'expliquer de façon claire les choses très importantes qu'il a réussi à faire faire au Congrès», dit le professeur Baker, qui cite notamment la réforme du système de santé, promulguée en mars 2010, et le plan de relance économique de 787 milliards de dollars adopté un an plus tôt.

«Ces mesures ont été mal expliquées, et cela a permis aux républicains d'imposer leur interprétation de la réforme du système de santé et du plan de relance. En conséquence, je pense que les gens sont tout simplement confus.»

Ou déçus, comme Velma Hart, Afro-Américaine de 45 ans qui a interpellé de façon mémorable Barack Obama lors d'un forum télévisé, le mois dernier, pour lui avouer sa grande fatigue d'avoir à le défendre.

Ou enragés, comme plusieurs partisans du Tea Party, qui accusent le président d'être socialiste.

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Une prédiction erronée

Il faut dire, à la décharge de Barack Obama, que le message d'un président américain passe rarement bien lorsque le taux de chômage de son pays frôle les 10%. Ronald Reagan s'est retrouvé dans une situation semblable en 1982. Tout grand communicateur fût-il, son parti a subi une correction aux premières élections de mi-mandat de sa présidence.

Bill Clinton, autre président réputé pour son éloquence, a également vu son parti essuyer une rebuffade en 1994, deux ans seulement après son élection à la Maison-Blanche.

N'empêche, Barack Obama et son administration ont donné des munitions à leurs adversaires en sous-estimant la gravité de la crise économique au début de 2009. Ainsi, un mois après la prestation de serment du nouveau président, la Maison-Blanche a annoncé que le plan de relance limiterait le taux de chômage à 8%, une prédiction erronée que les républicains prennent un malin plaisir à rappeler chaque fois que le gouvernement publie de nouvelles données sur l'emploi.

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«Nous savons maintenant ce qu'il en est: le chômage, aujourd'hui à 9,6%, est proche des 10% depuis que la loi a été adoptée», a dit le chef de file des républicains au Sénat, Mitch McConnell, au début du mois. «La dette a augmenté de 1000 milliards de dollars, et la confiance des Américains à l'égard des arguments économiques du gouvernement ne s'en est jamais remise.»

Le président et son équipe défendent leur bilan en affirmant que l'économie serait en bien plus mauvais état sans les quelque 3,3 millions d'emplois créés ou sauvés par le plan de relance. Mais les critiques de l'opposition républicaine reçoivent un meilleur accueil auprès de plusieurs électeurs indépendants, qui ont tourné le dos au Parti démocrate après avoir misé sur Barack Obama en 2008.

Trop loin ou pas assez?

De fait, comme le souligne le professeur Baker, les républicains semblent avoir réussi à convaincre une bonne partie de la population américaine que Barack Obama a outrepassé son mandat électoral. Non seulement le président serait-il allé trop loin avec ses réformes de la santé et de Wall Street, mais il aurait également piétiné les valeurs américaines liées au capitalisme avec ses plans de relance économique et de sauvetage des secteurs financier et automobile.

Il ne faut pas chercher plus loin les raisons du verdict dévastateur qui attend les démocrates le 2 novembre, selon Erik Erikson, rédacteur en chef du site conservateur Redstate.com.

«Je pense que les remèdes prescrits par l'administration Obama et ses économistes keynésiens ont corrompu le pays, prolongé la récession et causé des problèmes qui auraient été évités s'ils avaient baissé les impôts et réduit les dépenses», dit le blogueur, qui vient de faire paraître un livre intitulé Red State Uprising. «Quand on réduit la taille du gouvernement, le secteur privé explose.»

Le débat idéologique sur les erreurs de Barack Obama ne prendra évidemment pas fin avec les élections de mardi. Aux antipodes d'Erik Erikson, plusieurs analystes progressistes continueront à mettre les difficultés politiques du président sur le compte de son goût pour le compromis. Robert Reich, ex-secrétaire du Travail sous Bill Clinton, considère ainsi que le «péché» de l'administration Obama est de ne pas avoir dépensé assez d'argent dans le cadre de son plan de relance.

D'autres reprochent au président d'avoir laissé traîner en longueur les négociations sur la réforme de la santé dans le vain espoir d'obtenir des appuis républicains. Ou encore de ne pas avoir adopté une politique et un ton assez populistes à l'égard de Wall Street.

Mais le président n'a pas dit son dernier mot, prévient Mary Frances Berry, coauteure de Power of Words, un nouveau livre sur les discours de Barack Obama.

«Il fait campagne actuellement en mettant à profit ses talents d'orateur. On verra s'il parviendra à convaincre la base du Parti démocrate de se rendre aux urnes mardi ou s'il s'y est pris trop tard», dit-elle.

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