Emprisonné depuis bientôt 100 jours au Caire, le journaliste canado-égyptien Mohamed Fadel Fahmy est accusé de conspiration avec les Frères musulmans. Pour la première fois lundi, ses coaccusés et lui ont pu s'adresser au juge, qui leur a toutefois refusé une libération sous caution. Résumé de la situation en cinq questions, par Nathalie Collard.

Qui est Mohamed Fadel Fahmy?

Né au Koweït, il a vécu une douzaine d'années à Montréal (ses parents y résident toujours), où il a étudié au collège LaSalle. Il a travaillé pour CNN et le New York Times et est l'auteur de Baghdad Bound, un livre sur la guerre en Irak publié en 2006. Il vit désormais au Caire, où il est chef de bureau à Al Jazeera English.

De quoi l'accuse-t-on?

Arrêté le 29 décembre dernier avec deux collègues d'Al Jazeera, on l'accuse d'avoir dirigé une cellule des Frères musulmans qui planifiait de faux reportages faisant état de désordres civils afin de faire tomber le gouvernement en place. M. Fahmy et ses collègues nient tout lien avec ce groupe considéré comme une organisation terroriste depuis décembre dernier. Blessé au bras, Mohamed Fadel Fahmy n'a pas reçu de soins depuis son arrestation. Sa situation inquiète sa famille ainsi que les groupes de défense des droits de la personne. Son frère Adel Fahmy, joint au Caire par La Presse, observe qu'il s'agit d'un procès très politique. «Al Jazeera est considérée comme une chaîne sympathique aux Frères musulmans et sa branche de langue arabe Al Jazeera Mubasher (ou Al Jazeera Live, qui transmet des événements en direct, un peu comme le fait C-SPAN aux États-Unis) est interdite en Égypte depuis décembre dernier.»

Pourquoi le procès traîne-t-il en longueur?

Lundi, il s'agissait de la troisième comparution en cour des accusés, qui, chaque fois, sont enfermés dans une immense cage. Cette fois, le procès a été ajourné parce que la Cour n'avait pas à sa disposition l'équipement technique nécessaire pour examiner les pièces à conviction, c'est-à-dire pour visionner des images. «Ils sont très négligents et irresponsables, lance Adel Fahmy. Comme tout ça est très politique, on ne peut pas espérer une entente à l'amiable. Je vois tout de même certaines choses encourageantes, comme le fait que le juge a permis à mon frère de sortir de la cage lundi afin qu'il puisse lui parler face à face.» L'accusé en a profité pour rappeler que lors de son arrestation, il avait montré au policier une photo de lui buvant du vin. Preuve, a-t-il précisé, qu'il n'était pas un terroriste.

Que fait le Canada dans tout ça?

En entrevue à la CBC le 25 février dernier, un autre frère de M. Fahmy, Sherif, expliquait qu'il avait fallu près de 50 jours avant que le gouvernement canadien ne se manifeste. Les choses ont changé depuis. «L'ambassade du Canada a été super, assure Adel Fahmy. On ne nous dit pas tout, mais ils ont obtenu que les droits de visite de la famille soient plus longs. On peut aussi apporter de la lecture à mon frère. L'ambassadeur David Drake est très actif. Mon frère est blessé à l'humérus et il a obtenu la permission de passer une IRM pour son bras. Il aura probablement besoin d'une opération.»

Quelle est la suite des choses?

«Cette semaine, un membre des Frères musulmans a déclaré qu'il ne connaissait même pas mon frère et ses collègues, souligne Adel Fahmy. Il semble clair que les éléments de la poursuite sont en train de tomber un à un. Mais ça demeure très frustrant. Nous demeurons quand même optimistes, les choses semblent aller dans la bonne direction.»