Les autorités électorales égyptiennes ont reporté mercredi l'annonce du vainqueur de l'élection présidentielle, attendue jeudi, à une date non précisée, faisant augmenter la tension alors que les deux candidats du deuxième tour se sont chacun proclamés vainqueurs au cours des derniers jours.

Dans cette atmosphère de confusion politique, les Frères musulmans ont affirmé mercredi être victimes d'une campagne de salissage visant à maintenir leur candidat, Mohammed Morsi, loin de la présidence. Ces accusations font craindre de nouveaux troubles en Égypte si l'ex-premier ministre Ahmed Shafiq, considéré comme une extension de l'ancien régime, est déclaré gagnant de la présidentielle.

Ces tensions s'ajoutent à la confusion quant à l'état de santé de l'ancien président Hosni Moubarak. Mardi soir, les médias officiels ont rapporté que l'ex-président, âgé de 84 ans, avait souffert d'une attaque vasculaire cérébrale et avait été placé sous assistance respiratoire. L'agence officielle MENA avait même affirmé qu'il était en état de mort clinique.

Moubarak a été transféré de la prison de Torah, où il était détenu depuis le 2 juin, vers l'hôpital militaire de Maadi, au sud du Caire.

Mercredi, des responsables de la sécurité ont affirmé que l'ancien président était plongé dans le coma, mais que son coeur et ses autres organes vitaux fonctionnaient, et qu'il n'était pas maintenu en vie artificiellement comme certains médias l'ont affirmé la veille.

L'ambiguïté quant à son état de santé a alimenté le scepticisme de la population. De nombreux Égyptiens soupçonnent les responsables militaires au pouvoir d'accorder un traitement de faveur à leur ancien patron. Plusieurs estiment que la dégradation de son état de santé, annoncée plusieurs fois depuis son incarcération, n'est qu'un prétexte pour le faire sortir de prison.

L'annonce du successeur élu d'Hosni Moubarak devait être un point tournant dans la transition démocratique en Égypte. Mais le transfert du pouvoir semble désormais préparer une possible confrontation entre les Frères musulmans et les militaires et fidèles de l'ancien régime, plus favorables à la candidature d'Ahmed Shafiq.

«Il est clair qu'il y a une profonde division entre l'armée et les Frères musulmans», a estimé Montasser el-Zayat, militant islamiste et défenseur des droits de la personne bien connu dans le pays. «Cela suggère que les prochains jours seront probablement difficiles pour l'Égypte et les Égyptiens.»

Des centaines de partisans des Frères musulmans campaient sur la place Tahrir mercredi soir pour dénoncer les militaires. Ils ont promis de rester sur la place jusqu'à ce que le Parlement, dissous sur ordre de la Cour constitutionnelle, soit rétabli dans ses fonctions.

La commission électorale égyptienne a annoncé mercredi dans un communiqué que les résultats de la présidentielle ne seraient pas annoncés jeudi comme prévu parce qu'une commission de juges doit analyser les quelque 400 plaintes déposées par les équipes des deux candidats à la présidentielle. La commission n'a pas dit à quel moment le vainqueur serait annoncé.

Certaines de ces plaintes ont été rendues publiques mercredi soir. Les avocats d'Ahmed Shafiq dénoncent des fraudes dans 14 des 27 provinces égyptiennes. Selon eux, les bulletins de vote envoyés dans ces provinces étaient déjà marqués en faveur de Mohammed Morsi.

Les avocats du camp Morsi affirment quant à eux que des soldats figuraient sur la liste des électeurs, en violation des règles électorales, ainsi que des personnes décédées.

Selon des responsables de la sécurité, plusieurs employés de la presse officielle, où les bulletins de vote ont été imprimés, sont interrogés par les procureurs au sujet des allégations voulant que des milliers de bulletins aient été remplis d'avance en faveur du candidat des Frères musulmans.

Trois directeurs de bureaux électoraux de différentes régions du pays ont été arrêtés pour être interrogés sur de possibles fraudes électorales, d'après ces responsables.

Le deuxième tour de la présidentielle, qui a eu lieu samedi et dimanche derniers, a fait l'objet de plus de plaintes que tous les autres scrutins organisés en Égypte depuis la chute de Moubarak. Mais les observateurs étrangers et égyptiens ont affirmé que les violations observées pendant le vote n'étaient pas assez graves ni assez répandues pour remettre en question la légalité du processus.

Le camp d'Ahmed Shafiq affirme qu'il a remporté le scrutin avec 51,1 pour cent des voix. Les responsables de campagne de Mohammed Morsi assurent qu'il a battu son adversaire avec 52 pour cent des suffrages.