Mohamed El-Baradei, ex-chef de l'Agence internationale de l'énergie atomique, a annoncé samedi qu'il ne serait pas candidat à la présidentielle en Égypte, estimant que le régime autoritaire de Hosni Moubarak était toujours en place malgré son renversement.

«Ma conscience ne me permet pas de présenter ma candidature à la présidence ou à tout autre poste officiel tant qu'il n'y a pas de véritable démocratie», a-t-il affirmé dans un communiqué.

«L'ancien régime n'est pas tombé», ajoute-t-il, malgré le départ en février 2011 de Hosni Moubarak, chassé par une révolte populaire après trois décennies de règne sans partage.

Le pouvoir est depuis aux mains du Conseil suprême des forces armées (CSFA), dirigé par le maréchal Hussein Tantaoui, qui fut pendant vingt ans ministre de la Défense du président déchu aujourd'hui en jugement.

L'armée a promis de rendre le pouvoir aux civils à l'issue d'une élection présidentielle prévue au plus tard fin juin, mais nombre d'Égyptiens l'accusent de vouloir préserver ses privilèges et continuer d'influencer la vie politique.

«Les capitaines du navire (...) continuent de naviguer dans les mêmes eaux qu'autrefois, comme si la révolution n'avait pas eu lieu», a poursuivi M. El-Baradei, prix Nobel de la Paix en 2005, en même temps que l'agence atomique de l'ONU qu'il dirigeait.

M. El-Baradei relève que les institutions continuent d'être largement contrôlées par des personnes issues de l'ancien régime, notamment l'appareil judiciaire et les médias d'État.

Il dénonce également la «politique répressive» des nouveaux dirigeants, allusion aux procès de civils devant des tribunaux militaires ou encore à la répression meurtrière de manifestations contre l'armée en novembre et décembre au Caire.

Il souligne que la date prévue pour la présidentielle, avant fin juin, ne permet pas l'adoption d'ici là d'une constitution véritablement démocratique. Cette constitution doit être rédigée par une commission désignée par le futur Parlement.

M. El-Baradei, 69 ans, était revenu en Égypte en février 2010, accueilli en héros par ses partisans à l'aéroport du Caire, après une longue carrière internationale, pour se placer résolument dans l'opposition à M. Moubarak.

Depuis le départ de ce dernier, il est resté l'une des figures les plus en vue de la mouvance libérale et laïque.

Cette tendance a toutefois été largement battue aux élections législatives qui viennent de se clore, marquées selon des résultats provisoires par une forte domination des islamistes de toutes tendances, qui remporteraient près de 70% des sièges de députés.

M. El-Baradei lui-même n'était pas candidat à la députation.

L'ancien haut fonctionnaire international a reçu un accueil chaleureux à chaque fois qu'il s'est déplacé sur l'emblématique place Tahrir du Caire pour y apporter son soutien à des manifestations pro-démocratie, pendant le soulèvement anti-Moubarak et après.

Son audience est toutefois apparue plus limitée dans l'Égypte profonde, où ses réseaux sont faibles et où ses adversaires le présentent sans relâche comme un homme ayant fait carrière à l'étranger, coupé des réalités égyptiennes.

Une dizaine de personnalités sont données partantes pour la course à la présidence égyptienne, la plus connue étant Amr Moussa, un ancien secrétaire général de la Ligue arabe.

On trouve également Abdelmoneim Aboul Fotouh, un ancien responsable des Frères musulmans ayant rompu avec la confrérie, Ayman Nour, qui fut candidat contre Hosni Moubarak en 2005, ou encore le dernier premier ministre de M. Moubarak, Ahmad Chafic.