La France a, en commun avec l'Allemagne et la Grande-Bretagne, appelé samedi soir Hosni Moubarak à «engager un processus de changement» en Égypte, un geste tardif qui semble illustrer, comme pour la Tunisie, une difficulté à se positionner et peser face à un régime ami menacé.

«Nous appelons le président Moubarak à éviter à tout prix l'usage de la violence contre des civils sans armes et les manifestants à exercer leur droit pacifiquement», ont ajouté dans une déclaration commune Nicolas Sarkozy, Angela Merkel et David Cameron.

Ces appels, publiés par la présidence française qui dirige aussi cette année le G8 et le G20, survient après les nominations en Égypte d'un vice-président et d'un nouveau Premier ministre.

Dans la journée, le chef du gouvernement français, François Fillon, avait souligné qu'«aucun pays ne peut prendre la place du peuple égyptien» et qu'il lui revenait de décider de son avenir.

Sa secrétaire d'État à la Jeunesse, Jeannette Bougrab, l'a toutefois contredit par la suite en étant le premier membre de l'exécutif à évoquer «l'usure» du président égyptien et à demander qu'il «parte».

Les États-Unis avaient été très directs dès vendredi, avec un président Barack Obama allant jusqu'à réclamer «des mesures concrètes» à son homologue égyptien pour répondre aux aspirations de son peuple.

Pour Denis Bauchard, de l'Institut français des relations internationales (Ifri), «il y a un certain traumatisme» côté français après la sous-estimation des événements en Tunisie. Cet expert rappelle aussi la «très bonne relation personnelle» entretenue par Nicolas Sarkozy avec Hosni Moubarak.

Très critique, le Parti communiste français (PCF, opposition) avait en début de week-end dénoncé «le silence complaisant et scandaleux» du président français sur les évènements en Égypte. Le MoDem (centre-droit) avait demandé à la France d'être, contrairement à la révolution tunisienne, «cette fois dans le camp de ceux qui se battent pour la démocratie».

À la différence de la Tunisie, l'Égypte n'est pas un ancien protectorat français et la «réserve» prônée lundi par Nicolas Sarkozy à l'égard des anciennes colonies françaises apparaît inapplicable en l'espèce.

Depuis son accession au pouvoir en 2007, le chef de l'État français a beaucoup joué la carte Moubarak. Bien que récemment qualifié d'«autoritaire» par le ministre français de la Défense Alain Juppé, le régime égyptien de «modéré» a longtemps été considéré comme «modéré» par la France, notamment dans le conflit israélo-palestinien.

«Nous reconnaissons le rôle modérateur que le président Moubarak a joué depuis de nombreuses années au Moyen-Orient», ajoutent dans leur déclaration - en utilisant le passé composé - Nicolas Sarkozy, Angela Merkel et David Cameron. «Nous lui demandons désormais de faire preuve de la même modération pour traiter la situation actuelle en Égypte», précisent-ils.

«Sur le fond, la France se positionne de la même façon» que pour la Tunisie, juge Didier Billion de l'Institut des relations internationales et stratégiques (Iris). «L'Élysée a très peur que Hosni Moubarak se fasse balayer» en Égypte, où les Frères musulmans sont structurés, ce qui explique «la très grande prudence» des autorités françaises, précise-t-il.

Officiellement interdit, ce mouvement le plus ancien de l'islamisme sunnite est considéré comme la première force d'opposition en Égypte.

En réalité, poursuit Didier Billion, la France «n'a que peu d'influence sur l'évolution de l'Égypte et de son président Hosni Moubarak», et se trouve «en situation de relative impuissance».