La Libye a annoncé jeudi la reprise imminente des exportations après le retour au calme dans la région du Croissant pétrolier où les principaux terminaux sont tombés aux mains des autorités rivales au gouvernement d'union nationale (GNA).

Une reprise des exportations pétrolières, dont les recettes représentent une part très importante du budget de l'État, est cruciale pour ce pays qui outre la profonde instabilité sur les plans politique et de la sécurité, fait face à une crise des liquidités.

Les forces du général Khalifa Haftar, liées aux autorités non reconnues basées à Bayda dans l'est du pays, se sont emparées entre dimanche et mardi des terminaux du Croissant pétrolier: Zoueitina, Brega, Ras Lanouf et Al-Sedra.

Ces ports du nord-est libyen étaient jusqu'alors contrôlés par une milice ayant prêté allégeance au GNA, reconnu par la communauté internationale.

Le porte-parole des forces pro-Haftar, Ahmad Mesmari, a ensuite annoncé la remise de la gestion des terminaux à la Compagnie nationale du pétrole (NOC), une institution basée à Tripoli comme le GNA. Mais «la protection» les terminaux restera du ressort des pro-Haftar, a-t-il dit.

Terminaux «sécurisés»

Le directeur de la NOC, Mustafa Sanalla, a confirmé dans un communiqué que son institution était «chargée des terminaux» désormais «sécurisés».

Il a souligné que les exportations de brut «reprendraient immédiatement à partir des terminaux de Ras Lanouf et Zoueitina, puis de celui de Brega». Elles reprendront d'Al-Sedra «dès que possible».

La NOC a dit qu'elle restait loyale au GNA, tout en ajoutant qu'elle appliquait «les instructions données par le Parlement» basé dans l'Est fidèle aux autorités parallèles.

Quelles que soient les forces qui gardent les installations, les recettes pétrolières doivent être versées à la Banque centrale, qui est sous l'autorité du GNA.

L'émissaire américain en Libye Jonathan Winer a déclaré mercredi soir à l'AFP que son pays soutenait les exportations pétrolières tant que les recettes reviennent exclusivement au GNA et affirmé que la communauté internationale était prête à intervenir si le le gouvernement d'union lui demandait de bloquer une cargaison.

Les recettes, nécessaires selon lui à payer les salaires et à assurer les services, «doivent être versées à la Banque centrale».

Dans un pays sous la coupe de puissantes milices formées d'ex-rebelles, qui obéissent à leurs propres intérêts - qu'ils soient d'ordre idéologique, tribal ou financier -, les alliances peuvent basculer, et les terminaux pétroliers sont depuis 2011 au centre des luttes de pouvoir.

«La situation en Libye est parfois un peu dure à suivre, et il y a eu des faux départs auparavant, donc l'annonce de la NOC pourrait être prise avec des pincettes par les investisseurs», commentait Olivier Jakob, de Petromatrix, dans une note.

Le contrôle des ports par les forces pro-Haftar «est cependant un nouvel élément (...) Elles ont un intérêt politique à collaborer avec la NOC», a-t-il ajouté.

L'opération du général Haftar a suscité de nouvelles inquiétudes à l'étranger, l'émissaire de l'ONU Martin Kobler mettant en garde contre la «division» de la Libye, toujours plongée dans le chaos près de cinq ans après la chute du régime de Mouammar Kadhafi.

Mais le chef du GNA Fayez al-Sarraj a cherché l'apaisement après la perte des terminaux, appelant «toutes les parties» au dialogue pour trouver «un mécanisme permettant de sortir le pays de la crise». 

Moyen de pression 

Le GNA, installé en mars à Tripoli mais qui peine à asseoir son autorité sur l'ensemble du pays, a été créé en vertu d'un accord signé fin 2015 sous l'égide de l'ONU et qui consacrait la mise à l'écart du général Haftar.

La prise des terminaux pourrait constituer, pour le général Haftar, un moyen de pression sur l'ONU pour qu'elle amende, avec le GNA, l'accord de 2015 et intègre ainsi ce général dans le jeu politique.

Pour l'International Crisis Group, les autorités de Tripoli «doivent éviter de lancer une offensive pour reprendre les terminaux et, au lieu de ça, engager des négociations» avec les pro-Haftar «pour établir des nouveaux arrangements de sécurité».

M. Sarraj est en plus contesté au sein même du GNA, deux de ses membres, les deux vice-Premiers ministres Ali al-Qatrani et Fathi al-Majbari, ayant proclamé leur soutien à l'offensive du général Haftar.

Par ailleurs, les forces pro-GNA ne sont toujours pas parvenues à se débarrasser des derniers djihadistes de la ville de Syrte, tombée aux mains du groupe État islamique (EI) en juin 2015.