Un délégué suisse du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a été tué mercredi en Libye où le général dissident Khalifa Haftar a échappé à un attentat suicide, dans une nouvelle illustration de l'anarchie régnant dans le pays.

Le délégué a été tué lorsque des hommes armés non identifiés ont intercepté sa voiture à Syrte, à 500 km à l'est de Tripoli, où il venait d'effectuer une mission auprès de l'antenne locale du Croissant-Rouge libyen, selon un porte-parole du Croissant-Rouge libyen Mohamed Moustafa al-Misrati.

À Genève, le CICR a confirmé la mort de son représentant.

«Il a été attaqué par des hommes armés alors qu'il sortait d'une réunion avec deux collègues. Il est décédé à l'hôpital de Syrte. Ses collègues sont indemnes, mais choqués», a déclaré à l'AFP Wolde Saugeron, un porte-parole du CICR.

Plus à l'est, près de Benghazi, le général à la retraite, Khalifa Haftar, a été «légèrement blessé» dans un attentat suicide contre son quartier général.

Il s'agit de la première attaque visant M. Haftar depuis qu'il a décidé de lancer le 16 mai à Benghazi, la grande ville de l'Est, une campagne militaire destinée selon lui à éradiquer les «groupes terroristes», dont il est devenu la bête noire.

Ce dissident a été accusé «de tentative putschiste» par les autorités de transition qui, près de trois ans après le renversement du régime de Mouammar Kadhafi par une révolte, n'ont pas encore réussi à rétablir l'ordre dans le pays plongé dans le chaos et sous la coupe des milices.

Selon un des commandants de la force du général Haftar, un kamikaze a lancé sa voiture piégée contre l'un des quartiers généraux installés dans une villa près de la ville de Benghazi, tuant quatre gardes.

«L'attentat a été perpétré contre une villa où nous étions réunis. Quatre soldats ont été tués», a précisé à l'AFP le général Sagr Al-Jerouchi, «chef des opérations des forces aériennes» loyales au général dissident.

Ce dernier, présent dans la maison au moment de l'attaque, a été légèrement blessé par les éclats de verre, mais il est indemne, a ajouté l'officier.

Son porte-parole, Mohamed Hijazi, a accusé des «groupes  terroristes et extrémistes» qu'il n'identifie pas d'avoir mené cet attentat qui n'a pas été revendiqué.

Violences et enlèvements

À Tripoli, où deux gouvernements se disputent le pouvoir, un député du Congrès général national (CGN, Parlement), Abou Bakr Maddour, a été enlevé mercredi à sa sortie du ministère de la Justice, près du centre de la capitale, selon une source parlementaire. Aucun groupe n'a encore revendiqué ce rapt.

Toujours dans la capitale, le siège du gouvernement, où s'est installé cette semaine le premier ministre contesté Ahmed Miitig, a été touché dans la nuit de mardi à mercredi par une roquette qui a fait des dégâts, mais pas de victime.

Berceau de la révolte contre le dictateur Mouammar Kadhafi, la ville de Benghazi est considérée comme le fief de nombreuses milices islamistes lourdement armées et cibles de l'offensive du général Haftar, dont les forces au sol sont appuyées par l'aviation.

Une centaine de personnes ont péri dans cette offensive dont 21 dans les derniers combats lundi qui avaient paralysé toutes les activités à Benghazi, selon des sources médicales.

Les jihadistes d'Ansar Asharia, classé organisation «terroriste» par les États-Unis, sont l'un des principaux groupes visés par la campagne baptisée «Dignité» du général Haftar.

Pointé du doigt dans plusieurs attaques et assassinats ayant visé les services de sécurité à Benghazi , ce groupe est aussi soupçonné d'implication dans des attaques anti-occidentales, dont celle de septembre 2012 contre le consulat américain à Benghazi qui avait coûté la vie à l'ambassadeur et à trois autres Américains.

Ansar Asharia (Les partisans de la loi islamique, en arabe) omniprésent aussi à Syrte, a publié des communiqués incendiaires contre le général Haftar, qu'il qualifie désormais d'«ennemi de l'islam».

Le groupe jihadiste Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), dont aucun lien n'a été jusqu'ici établi avec les jihadistes libyens, a rejoint le concert des menaces en appelant à combattre le général dissident.

Les troubles en Libye ont par ailleurs contraint plusieurs compagnies pétrolières étrangères à commencer à évacuer leur personnel depuis le sud, a indiqué mercredi l'agence libyenne Lana, sans préciser lesquelles.

Le siège du gouvernement touché par une roquette

Le siège du gouvernement libyen, où s'est installé cette semaine le premier ministre contesté Ahmed Miitig, a été touché dans la nuit de mardi à mercredi par une roquette, provoquant des dégâts, mais sans faire de victime, a-t-on appris auprès du cabinet.

L'attaque a visé le troisième étage du bâtiment situé près du centre de Tripoli. M. Miitig n'était pas dans son bureau au moment de la chute de la roquette, a indiqué un de ses conseillers à des journalistes.

Malgré l'attaque de la nuit, M. Miitig s'est rendu mercredi à son bureau où il devait se réunir avec ses ministres, selon un photographe de l'AFP.

La Libye se trouve depuis dix jours avec deux gouvernements rivaux : le cabinet sortant dirigé par Abdallah al-Theni et celui dirigé par Ahmed Miitig, appuyé par les islamistes et dont l'élection début mai par le Congrès général national (CGN, Parlement) est contesté par les partisans de M. Theni.

M. Theni a affirmé s'en remettre à la justice pour déterminer s'il devait céder le pouvoir, évoquant des recours déposés par des députés contre l'élection controversée de M. Miitig.

Dans un geste d'apaisement, il a dit mardi avoir donné des «instructions à la sécurité pour ne pas s'opposer à l'entrée de M. Miitig et de son équipe de sécurité» au siège du gouvernement.

Les institutions de l'État sont régulièrement la cible d'attaques menées par des milices, illustrant l'incapacité des autorités à rétablir l'ordre dans le pays depuis la chute du régime de Mouammar Kadhafi en 2011.