Le Conseil national de transition (CNT), qui dirige la Libye depuis la chute du régime de Mouammar Kadhafi, a décidé dimanche de maintenir le gouvernement d'Abdel Rahim al-Kib, malgré les tensions, notamment pour garantir le succès des élections de juin.

Le CNT, qui n'a cessé de critiquer la lenteur des réformes engagées par le gouvernement, évite ainsi de justesse une crise politique qui aurait aggravé une situation déjà compliquée par plusieurs mois de conflit et par le lourd héritage laissé par le régime de Kadhafi: un État dépouillé de ses institutions où pullulent les armes.

Un limogeage du gouvernement aurait créé un vide sécuritaire et affecté les préparatifs des élections d'une constituante prévues dans deux mois.

«Pour assurer la stabilité et l'édification de l'État dans cette étape délicate (...) et afin de garantir le succès du processus électoral (...) le Conseil a décidé de maintenir le gouvernement de transition», a déclaré dimanche le chef du CNT, Mustapha Abdeljalil.

M. Abdeljalil s'exprimait à l'issue d'une réunion du CNT pour décider du sort du gouvernement, après des accusations mutuelles la semaine dernière et que les membres du CNT ont menacé de retirer leur confiance du cabinet d'Abdel Rahim al-Kib, critiqué notamment pour la lenteur des réformes.

M. Abdeljalil, qui lisait un communiqué, a indiqué toutefois que le gouvernement devrait «au cours de cette période délicate concentrer ses efforts sur certains points».

Il a énuméré notamment: la décentralisation du pouvoir, le retour de la sécurité et l'autorité de l'État et la collecte des armes et la sécurisation des frontières.

Le gouvernement d'Abdel Rahim al-Kib aura aussi à récompenser les Thowars (ex-rebelles) et les blessés du conflit libyen «tout en préservant l'argent public», à revoir les représentations diplomatiques à l'étranger et protéger les investissements extérieurs libyens, et à réactiver la justice et juger les dirigeants de l'ancien régime.

Clairement vexé, le Premier ministre libyen s'en était pris mercredi au CNT, l'accusant d'«attaquer» son gouvernement au risque de compromettre la tenue en juin des élections d'une assemblée constituante.

«Nous sommes bloqués par les membres du Conseil qui continuent à attaquer le gouvernement et à menacer de lui retirer leur confiance, ce qui entrave nos efforts dans l'accomplissement de nos devoirs au service de la révolution, avec en priorité la tenue des élections à la date prévue», avait déclaré M. Kib.

Le CNT n'a pas tardé à répondre, déplorant notamment «la faiblesse du rendement du gouvernement» ainsi qu'un «manque de courage dans la prise de décision», provoquant un retard dans les dossiers de sécurité, de l'intégration des ex-rebelles dans la société et le traitement des blessés du conflit libyen.

Des membres du CNT avaient annoncé la semaine dernière à des médias l'intention du Conseil de limoger le gouvernement, certains ayant affirmé que la décision avait été déjà prise, sans qu'aucune annonce officielle ne soit faite.

Mais M. Kib avait défendu son gouvernement qui a réussi, selon lui, à améliorer la sécurité dans tout le pays, à rétablir une vie normale après un conflit armé de plusieurs mois et à résoudre les problèmes de financement en obtenant notamment le dégel des avoirs de l'ancien régime de Mouammar Kadhafi, bloqués par l'Occident.

Selon lui, le principal objectif de son gouvernement est la tenue des élections à la date prévue. Il avait affirmé avoir «essayé de coopérer avec le CNT pour concentrer les efforts sur les élections et atteindre ce but».

«Malheureusement la priorité du Conseil ou certains de ses membres est de limoger le gouvernement», avait-il déploré dans des déclarations inédites, étalant pour la première fois sur la place publique ses différends avec le CNT.