La secrétaire d'État américaine Hillary Clinton a salué mardi «la victoire de la Libye» lors d'une visite surprise à Tripoli, tout en soulignant qu'il était essentiel d'unifier les différentes milices du pays pour éviter tout risque de guerre civile.

«Les États-Unis sont fiers d'avoir été à vos côtés dans votre combat pour la liberté et continueront à le faire si vous continuez ce voyage, en respectant votre souveraineté et en honorant notre amitié», a-t-elle déclaré lors de sa visite, la première d'un responsable américain de ce rang depuis 2008.

Saluant la «victoire de la Libye», elle a affirmé: «le futur vous appartient».

Se disant consciente que «les combats sanglants continuent», elle a indiqué que «l'OTAN et la coalition internationale (...) continueront à protéger les civils libyens jusqu'à ce qu'ait pris fin la menace (représentée par Mouammar)  Kadhafi».

«Un des éléments qu'il faut régler est l'unification des différentes milices dans une seule armée qui représente le peuple libyen», a souligné Mme Clinton, alors qu'on l'interrogeait sur les risques de guerre civile en Libye, où des tensions sont apparues entre différentes brigades ayant libéré le pays.

«Placer une armée nationale et une force de police sous commandement civil est essentiel», a-t-elle ajouté.

Alors qu'on lui demandait si les États-Unis coopéreraient avec des islamistes, elle a indiqué qu'ils «soutiendraient un processus de démocratisation qui respecte la loi, (...) le droit des minorités et des femmes» et qui autorise une presse libre.

Elle a mis en garde contre «ceux qui veulent une élection et qui une fois élues, (ne veulent) plus d'élections».

S'adressant aux Libyens, la secrétaire d'État a affirmé: «Vous méritez un gouvernement qui représente tous les Libyens, toutes les régions du pays, et toutes les origines, y compris les femmes et les jeunes».

«Vous méritez un système judiciaire transparent et équitable. Les représailles et ceux qui veulent se faire justice eux-mêmes n'ont pas leur place dans la nouvelle Libye», a-t-elle ajouté.

La secrétaire d'État américaine est arrivée mardi à Tripoli pour une visite surprise auprès des nouveaux dirigeants de la Libye qui tentent de réduire les dernières poches tenues par les fidèles du dirigeant déchu Mouammar Kadhafi.

Cette visite surprise de la diplomate en chef américaine survient alors que les combats féroces à l'artillerie lourde et aux roquettes faisaient toujours rage mardi à Syrte, dernier bastion du régime déchu en Libye au lendemain de la chute de celui de Bani Walid.

Sur le front de Syrte, à 360 km à l'est de Tripoli, les combats ont redoublé d'intensité le matin en vue de la prise de deux quartiers toujours aux mains des pro-Kadhafi, afin de pouvoir proclamer la chute de la ville et par conséquent la «libération totale» de la Libye.

Les combattants du Conseil national de transition (CNT, issu de la rébellion), positionnés en lisière des quartiers «Dollar» et «N°2», où sont retranchés les pro-Kadhafi, pilonnaient la zone à l'arme lourde, tandis que d'autres s'engageaient dans des combats de rue.

Les pro-Kadhafi répliquaient, avec des rafales à la mitrailleuse, a constaté une journaliste de l'AFP. «Il y a tellement de tireurs embusqués, c'est très dangereux», a crié un membre des forces du CNT.

«Nous avons avancé, nous encerclons les quartiers (Dollar et N°2) depuis l'est, l'ouest et le sud», a expliqué un autre combattant sur le front est.

«Avant, nous avions des problèmes de coordination entre Misrata et Benghazi, mais depuis qu'ils (nos commandants) se sont réunis il y a deux jours, les combats sont bien mieux organisés», selon son camarade Abdel Bassit Hadia, venu de Misrata à l'ouest de Syrte.

Les hommes fidèles au régime déchu «tirent sur nous de partout, avec des tireurs embusqués, aux obus de mortier et aux roquettes», a indiqué un autre combattant Tahar Burzeza. «C'est violent à l'intérieur. On nous tire dessus de partout».

Sur le front est, les forces du CNT ont déploré au moins deux morts et des dizaines de blessés dans leurs rangs en seulement 40 minutes de combats. Une dizaine de blessés dont deux graves ont été enregistrés sur le front ouest, selon Abdel Akim Saras, médecin dans un hôpital de campagne.

À 170 km au sud-est de Tripoli, le drapeau des nouvelles autorités libyennes flottait dans les rues désertées de Bani Walid, passé la veille sous le contrôle des forces du CNT, après plus d'un mois de siège.

Lundi, un chef militaire du CNT a annoncé que ses combattants contrôlaient «totalement» la ville. Les combattants ont pris possession de l'hôpital et sont parvenus à déloger les pro-Kadhafi de l'aéroport après une nouvelle offensive, dimanche, consécutive à une pause d'une semaine dans les combats.

«Demain, les forces de la brigade Jado iront à Syrte» pour porter main forte à leurs camarades, a dit Moussa Younès, chef des forces du CNT à Bani Walid, faisant référence à la brigade la plus importante dans la ville.

Sur le plan humanitaire, des civils tentaient toujours de fuir la zone des combats à Syrte. Lundi soir, une trentaine de personnes -hommes, femmes et enfants-ont été évacuées à bord de plusieurs pick-up par des combattants du CNT, selon un journaliste de l'AFP.

L'administration américaine s'est inquiétée du sort des civils piégés à Syrte, appelant le CNT à «honorer ses engagements pour l'état de droit et le respect pour les droits de l'homme de toute personne en Libye».

Washington a notamment exprimé sont inquiétude sur le sort des Africains «apparemment détenus à cause de la couleur de leur peau» et soupçonnés d'avoir soutenu Mouammar Kadhafi, qui avait notamment fait appel à des mercenaires noirs contre la rébellion.

Au cours de cette visite éclair à Tripoli, Mme Clinton devait rencontrer le président du CNT Moustapha Abdeljalil, le premier ministre Mahmoud Jibril ainsi qu'Ali Tarhouni, ministre des Finances et du Pétrole.

Elle cherche à renforcer ses liens avec les nouveaux dirigeants du pays et à promouvoir la transition de la Libye vers la démocratie.