Le ministre libyen du Pétrole, Choukri Ghanem, a déclaré mercredi à Rome avoir «quitté son pays» pour rejoindre la rébellion et «combattre pour un État démocratique».

«Dans la situation actuelle on ne peut plus travailler, j'ai donc quitté mon pays et mon travail pour embrasser la cause des jeunes Libyens de combattre pour un État démocratique», a déclaré M. Ghanem à des journalistes.

M. Ghanem a toutefois précisé qu'il ne travaillait pas encore avec le Conseil national de transition (CNT), l'organe représentatif des insurgés libyens.

M. Ghanem a indiqué avoir fait défection et abandonné le gouvernement «il y a deux semaines» et être arrivé à Rome mardi, affirmant qu'il n'avait pas rencontré le colonel Mouammar Kadhafi depuis «plusieurs mois».

«J'ai travaillé en Libye pendant de nombreuses années, en pensant pouvoir faire des réformes de l'intérieur. Mais ce n'est pas possible, surtout maintenant que le sang a été versé», a-t-il dit, interrogé dans un hôtel de Rome.

À propos d'éventuels pourparlers avec M. Kadhafi, M. Ghanem a rappelé que ce dernier avait rencontré il y a deux jours le président sud-africain Jacob Zuma. Il «est déjà en train de négocier», a-t-il dit.

«En Libye, il y a beaucoup de pressions à l'intérieur et à l'extérieur. Il faut attendre de voir ce qui se passera, il peut y avoir beaucoup d'issues, y compris une solution pacifique», a indiqué M. Ghanem.

Sur son choix de venir à Rome, il a souligné que la capitale italienne était «proche de la Libye», ajoutant : «il faut bien s'arrêter quelque part». Mais il a dit ne pas connaître sa prochaine destination et a ajouté que sa famille se trouvait «en partie en Libye, en partie hors de la Libye».

Selon M. Ghanem, la Libye «se dirige vers un arrêt total de la production de pétrole» aussi bien dans l'ouest que dans l'est du pays. «La production est très basse à cause de l'embargo de l'ONU, du fait que les étrangers sont partis, pour des raisons de sécurité et parce qu'il est impossible d'exporter», a expliqué M. Ghanem.

Interrogé par l'AFP, le porte-parole du ministère des Affaires étrangères Maurizio Massari a nié que le gouvernement italien ait organisé la défection de M. Ghanem, mais a souligné que l'Italie «accueillait tout ce processus de défection avec satisfaction».

Selon lui, «aucune rencontre politique n'est prévue» pour le moment pour M. Ghanem à Rome.

M. Ghanem, président de la Compagnie nationale de pétrole (NOC) et un cacique du régime de Kadhafi, était arrivé en Tunisie le 14 mai, avait séjourné à Djerba puis avait disparu. Des informations de presse avaient alors fait état de défection, également annoncée par le chef de la diplomatie américaine, Hillary Clinton.

Le 20 mai, le porte-parole du gouvernement libyen, Moussa Ibrahim, avait démenti l'information, affirmant qu'il était en mission à l'étranger.

La Libye, membre de l'Organisation des pays producteurs de pétrole (OPEP), exportait en temps normal 1,49 million de barils par jour, en majeure partie (85%) vers l'Europe, selon l'Agence internationale de l'énergie (AIE). Mais sa production a fortement chuté après le début de la révolte le 15 février.

Avant l'insurrection, le groupe énergétique italien Eni était le premier producteur étranger en Libye, pays dont l'Italie est l'ancienne puissance coloniale.

Depuis, la production du groupe dans le pays a chuté à environ 50 000-55 000 barils équivalent pétrole par jour contre une production nette attendue d'environ 280 000 barils/jour.