Le président américain Barack Obama a estimé jeudi que l'intervention de l'Otan en Libye avait sauvé des milliers de vies alors que le dirigeant libyen est apparu dans la soirée, apparemment en bonne santé, à la télévision libyenne.

Dans la nuit de jeudi à vendredi, des avions de l'Otan ont coulé huit navires de guerre des forces de Mouammar Kadhafi lors d'attaques coordonnées dans les ports de Tripoli, Al Khums et Sirte.

Sans l'intervention de l'Otan le 19 mars, «des milliers (de Libyen) auraient été tués», a indiqué M. Obama dans un discours jeudi.

Déplorant la violence d'État qui s'est manifestée au fil des révoltes, Barack Obama a jugé que «l'exemple le plus extrême est la Libye, où Mouammar Kadhafi a engagé une guerre contre ses propres concitoyens, promettant de les chasser comme des rats».

L'Otan dirige depuis le 31 mars une intervention militaire en Libye sous mandat de l'ONU.

Cette intervention a permis aux rebelles de garder le contrôle de l'Est du pays mais des combats se déroulent toujours entre insurgés et troupes loyales au colonel Kadhafi notamment dans les régions montagneuses de l'ouest du pays.

Jeudi soir, la télévision libyenne a montré des images du colonel Kadhafi s'entretenant avec son émissaire Mohamed Ahmed Al-Sharif, qui était mardi en mission à Moscou.

Vêtu en noir et portant des lunettes de soleil, le colonel Kadhafi qui semblait en bonne santé discutait avec Ahmed Al-Sharif dans un bureau devant un écran de télévision qui diffusait des émissions de la première chaîne d'Etat libyenne, avec un bandeau vert sur lequel était inscrite la date du «jeudi 19 mai 2011».

L'Otan a visé à plusieurs reprises la résidence du colonel Kadhafi à Tripoli ces dernières semaines. Des rumeurs avaient alors circulé, selon lesquelles le Guide aurait été blessé.

Le secrétaire général de l'Otan, Anders Fogh Rasmussen, a estimé pour sa part que les raids avaient «sérieusement cassé la machine de guerre» du dirigeant libyen.

«Le régime de Kadhafi est de plus en plus isolé chaque jour», a assuré M. Rasmussen. «Je suis confiant que la combinaison d'une forte pression militaire et d'une pression politique renforcée finira par provoquer l'effondrement du régime», a-t-il ajouté.

Mais pour le président de la commission de l'Union Africaine, le Gabonais Jean Ping, la «résolution 1973» de l'ONU, autorisant notamment «toutes les mesures nécessaires» en Libye pour protéger les civils, a été «violée».

Le porte-parole du gouvernement libyen, Moussa Ibrahim, a démenti jeudi soir des informations faisant état d'un départ en Tunisie de l'épouse et de la fille du colonel Kadhafi et d'une défection du ministre libyen du Pétrole Chokri Ghanem.

«La pression sur le régime de Kadhafi s'est accrue au point que la femme et la fille de Kadhafi ont fui le pays vers la Tunisie», avait auparavant affirmé la chef de la diplomatie américaine, Hillary Clinton, soulignant que les deux femmes avaient quitté la Libye «dans les dernières 48 heures».

«Le ministre du Pétrole a fait défection», avait--t-elle également déclaré.

Sur le terrain, les rebelles affirment continuer d'essuyer des «pertes lourdes» près de Misrata, grande ville côtière à 200 km à l'est de Tripoli, assiégée et bombardée par les forces loyalistes pendant plus de deux mois avant que les rebelles ne parviennent à desserrer un peu l'étau.

«Nous avons toujours le contrôle de Misrata et de l'aéroport mais les forces de Kadhafi tendent des embuscades à nos hommes et nous avons toujours de lourdes pertes», a déclaré à l'AFP Jalal al-Gallal, un porte-parole Conseil national de transition (CNT), instance dirigeante de la rébellion.

Les rebelles avaient remporté le 12 mai une victoire importante en s'emparant de l'aéroport de Misrata.

Ils tentent depuis de prendre Zliten, ville de 200 000 habitants à une cinquantaine de kilomètres à l'ouest de Misrata, avec l'ambition de marcher ensuite sur la capitale, 150 km plus loin.

Mais alors que le front dans l'est s'est stabilisé depuis plusieurs semaines sur une route désertique zigzaguant entre Brega et Ajdabiya, à 160 km au sud-ouest de la «capitale» rebelle Benghazi, c'est la situation dans les montagnes berbères du Nefoussa, au sud-ouest de Tripoli, qui préoccupe le commandement rebelle.

«Toutes les routes sont aux mains des forces de Kadhafi. Les hôpitaux ne reçoivent plus d'approvisionnement», a affirmé M. Gallal. «La situation est tellement compliquée, proche du désastre, que les blessés sont transportés à dos d'âne par les montagnes vers Nalout», près de la frontière tunisienne, a-t-il ajouté.

Selon la télévision libyenne, l'Otan a mené des raids sur des «sites civils et militaire» à Zenten, à 120 km au sud-ouest de Tripoli.

«Toutes les cibles de l'Otan sont de nature militaire et directement liées aux attaques systématiques du régime de Kadhafi visant le peuple libyen», a affirmé, dans un communiqué publié dans la nuit, l'amiral Russ Harding, commandant adjoint de l'opération «Protecteur unifié» de l'Otan en Libye.

Dans son communiqué annonçant la destruction de vaisseaux de guerre libyen, l'Otan explique que le placement de mines et le recours croissant à la force navale pour l'armée de Kadhafi perturbait l'acheminement d'aide humanitaire absolument nécessaire, tout en mettant en danger les forces de l'Otan.

«Tous les vaisseaux ciblés la nuit dernière étaient des navires de guerre, sans usage civil», a insisté l'amiral Harding.

Mercredi, l'ONU a révisé de 310 à 407,8 millions de dollars un appel de fonds pour venir en aide aux deux millions de personnes affectées par le conflit en Libye, qui a fait des milliers de morts depuis la mi-février selon le procureur de la Cour pénale internationale (CPI).

L'organisation humanitaire Médecins Sans Frontières a demandé jeudi à l'Europe d'accueillir les «boat people» fuyant la Libye.