Plus de cinq millions de Syriens, soit environ un quart de la population, sont devenus des réfugiés, a annoncé jeudi l'ONU, alors que des ONG exhortent de nouveau la communauté internationale à accroître son aide.

«C'est une étape importante», a résumé la porte-parole du  Haut-Commissariat de l'ONU pour les réfugiés (HCR) en commentant ce nombre record de réfugiés.

«Alors que le nombre d'hommes, de femmes et d'enfants ayant fui six années de guerre en Syrie a franchi la barre des 5 millions, la communauté internationale doit faire davantage pour les aider», a lancé le HCR.

La guerre en Syrie a déclenché la plus grave crise humanitaire depuis la Seconde Guerre mondiale, avec plus de 320 000 morts en six ans et des millions de déplacés. Le pays comptait 22 millions d'habitants avant la guerre.

Malgré une baisse d'intensité des combats dans plusieurs régions, «la situation n'est pas encore assez sûre pour que les gens puissent retourner chez eux. Nous voyons encore chaque jour des gens être déracinés», a souligné à l'AFP Alun McDonald, le porte-parole régional de Save the Children.

Il a regretté que la communauté internationale, incapable de régler le conflit, a failli à augmenter son aide au fur et à mesure que la crise humanitaire s'aggravait, fermant au contraire de plus en plus les frontières, notamment en Europe.

Selon Tom Garofalo, un responsable régional de l'International Rescue Committee, la guerre qui fait rage en Syrie force «chaque jour 6000 personnes à fuir leurs foyers».

Près de trois millions de Syriens sont réfugiés en Turquie, le pays voisin le plus affecté, selon le HCR. Moins de 10% d'entre eux ont été accueillis dans des camps, tandis qu'une majorité vit dans les villes, dont plus de 500 000 à Istanbul.

Plus d'un million ont fui au Liban et 657 000 en Jordanie, mais les autorités d'Amman évaluent leur nombre à 1,3 million. Ils sont par ailleurs plus de 233 000 en Irak, plus de 120 000 en Egypte et près de 30 000 dans les pays d'Afrique du Nord, selon le HCR.

Les enfants affectés

Dans un communiqué conjoint avec des organisations syriennes, l'organisation OXFAM a appelé jeudi à apporter plus d'aide aux pays voisins de la Syrie.

Sa directrice exécutive, Winnie Byanyima, a appelé «les pays riches à afficher leur soutien aux voisins de la Syrie qui ont accueilli ces réfugiés et à relocaliser au moins 10% des réfugiés syriens les plus vulnérables d'ici la fin 2017».

«Il s'agit d'une crise qui dure et les financements ne suivent pas», a déploré la porte-parole d'Oxfam à Beyrouth, Joëlle Bassoul, à l'AFP. «Avec moins de ressources, nous devons aider maintenant plus de personnes».

Les ONG et l'ONU mettent également régulièrement en garde contre les conséquences à long terme de la crise, tout particulièrement sur les enfants.

«Un million d'enfants réfugiés syriens ne sont pas scolarisés (...) et ils sont ceux qui devront contribuer à reconstruire la Syrie pour la prochaine génération», a indiqué M. McDonald, de Save The Children.

Outre ces cinq millions de réfugiés, des millions d'autres Syriens sont déplacés dans leur propre pays.

La plupart ont été obligés de fuir les combats entre les différents acteurs en conflit, et d'autres ont été déplacés à l'issue d'accords en rebelles et régime. Plus de 30 000 personnes doivent ainsi être évacuées dans les prochains jours de quatre localités assiégées.

Déclenchée en mars 2011 par la répression de manifestations pro-démocratie, la guerre en Syrie s'est progressivement complexifiée avec l'implication de groupes djihadistes, de forces régionales et de puissances internationales, sur un territoire très morcelé.

Aucune solution n'est en vue pour le conflit malgré plusieurs rounds de négociations indirectes entre régime et opposition sous l'égide de l'ONU, dont l'un est en cours actuellement à Genève.

Plus de 21 millions de réfugiés dans le monde

Selon le dernier rapport annuel du HCR, publié en juin 2016, le nombre de déplacés et de réfugiés ayant fui les multiples conflits et persécutions dans le monde a atteint en 2015 le niveau record de 65,3 millions : 21,3 millions de réfugiés (personnes ayant quitté leur pays), 40,8 millions de déplacés (ayant quitté leur foyer en restant dans le pays) et 3,2 millions de demandeurs d'asile (dans les pays industrialisés).

Un être humain sur 113 est désormais soit un réfugié, soit un déplacé interne ou encore un demandeur d'asile. Plus de la moitié sont des enfants.

La hausse est spectaculaire par rapport aux 59,5 millions de déracinés de 2014 et aux 37,5 millions d'il y a une décennie.

En 2015, c'est la première fois qu'a été franchi le seuil des 60 millions, l'équivalent de la population du Royaume-Uni.

Trois pays génèrent la moitié des réfugiés dans le monde : la Syrie (4,9 millions en 2015), l'Afghanistan (2,7 millions) et la Somalie (1,1 million). Comptent le plus grand nombre de personnes déplacées la Colombie (6,9 millions), la Syrie (6,6 millions) et l'Irak (4,4 millions).

Des exodes massifs

Depuis la Seconde guerre mondiale, qui a vu 8 à 10 millions de personnes se précipiter sur les routes françaises pour fuir les troupes allemandes, de nombreuses crises et guerres ont entraîné des exodes massifs de population dans le monde.

L'indépendance du Pakistan en 1947 a mis sur la route de l'exil quelque 14 millions de personnes, des musulmans quittant l'Inde pour le Pakistan et des Hindous fuyant le Pakistan pour l'Inde.

Plus tard, la guerre civile au Pakistan en 1971, qui a débouché sur la création du Bangladesh, a provoqué la fuite de quelque 10 millions de personnes.

Le conflit en Palestine, avec la création d'Israël en 1948, a entraîné le départ de quelque 720 000 palestiniens, selon l'ONU. Aujourd'hui l'UNRWA, l'agence onusienne spécialisée, estime leur nombre à plus de 5 millions, en comptant leurs descendants.

Le génocide au Rwanda en 1994, outre ses 800 000 victimes, a provoqué le déplacement de la moitié de la population de ce pays de 7 millions d'habitants. Quelque 2 millions ont fui dans les pays voisins.

Durant la guerre en Bosnie (1992-1995), au moins 2,5 millions de personnes ont dû quitter leur maison, dont 500 000 se sont réfugiées dans les pays voisins et 700 000 en Europe occidentale.

AP

En 2015, c'est la première fois qu'a été franchi le seuil des 60 millions de réfugiés.