L'armée a tiré sur des milliers de personnes descendues dans la rue en Syrie vendredi à l'appel de l'opposition pour réclamer que l'Armée syrienne libre (ASL) puisse recevoir des armes de l'étranger après la chute du bastion rebelle de Baba Amr, à Homs.                

Douze civils, dont cinq enfants, ont été tués par une roquette tirée par l'armée sur une manifestation à Rastane, dans la province de Homs, selon l'OSDH, qui a ajouté que cinq autres manifestants avaient été blessés par des tirs des forces de sécurité à Damas.

En outre, «six personnes ont été blessées quand les forces de sécurité ont tiré à balles réelles» sur des «milliers de manifestants» à Alep, deuxième ville du pays, a affirmé à l'AFP le porte-parole des comités de militants sur place, Mohammed Halabi.

Les journalistes français Édith Bouvier et William Daniels, bloqués à Baba Amr depuis un bombardement qui a tué deux de leurs confrères le 22 février, ont pu quitter la Syrie jeudi.

Ils ont décollé en milieu de journée de Beyrouth vers Paris, où le président français Nicolas Sarkozy doit les accueillir vers 17h GMT 9 midi, heure de Montréal), selon l'Élysée.

Vendredi matin, sept camions du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) et du Croissant-Rouge arabe syrien (CRAS) sont arrivés à Homs avec de la nourriture, des médicaments, des couvertures et du lait infantile notamment, a indiqué le CICR. Ils devaient entrer à Baba Amr au lendemain de la chute de ce quartier tenace, assiégé et bombardé par l'armée depuis le 4 février.

Homs (centre) est à la pointe de la contestation en Syrie où depuis bientôt un an une révolte est réprimée dans le sang, faisant plus de 7500 morts selon l'ONU. Baba Amr, repris par l'armée régulière jeudi, n'avait ni électricité, ni nourriture ni moyens de communication, selon les militants.

Le Haut commissariat de l'ONU aux droits de l'homme a appelé les autorités syriennes à ne pas exercer de «représailles» à Baba Amr, s'inquiétant après avoir reçu des informations non confirmées de 17 exécutions sommaires.

Au moins 10 personnes ont été tuées vendredi à Baba Amr et 19 autres dans des violences dans le reste du pays, a affirmé l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH).

Réunis à Bruxelles, les dirigeants européens ont haussé le ton, souhaitant «que les responsables des atrocités syriennes répondent de leurs actes» devant la justice internationale.

Une saisine de la Cour pénale internationale pour sanctionner la répression en Syrie nécessite un feu vert du Conseil de sécurité de l'ONU où Damas bénéficie du soutien de la Russie et de la Chine.

Moscou a toutefois pris ses distances vendredi. «Les réformes proposées (par le régime) auraient évidemment dû être menées depuis longtemps», a estimé le premier ministre Vladimir Poutine en niant que son pays ait une «relation particulière avec la Syrie».

La France a fermé son ambassade à Damas pour dénoncer le «scandale» de la répression qui a fait «plus de 8000 morts» en un an, a annoncé M. Sarkozy, condamnant l'attitude «particulièrement inadmissible» de Damas dans les tentatives d'évacuation des journalistes.

Édith Bouvier, grièvement blessée à la jambe, et William Daniels, ont quitté la Syrie avec l'aide de l'ASL et sont arrivés au Liban jeudi.

Par ailleurs, les autorités syriennes ont annoncé avoir localisé jeudi à Baba Amr trois corps dont ceux de la journaliste américaine Marie Colvin et du reporter français Rémi Ochlik.

Ils ont présenté le troisième corps comme celui du journaliste espagnol Javier Espinosa -alors qu'El Mundo, journal auquel collabore ce dernier, avait indiqué mercredi qu'il était arrivé au Liban «en parfait état de santé».

Selon M. Espinosa, cité par El Mundo, l'erreur pourrait s'expliquer par le fait que dans la fuite, il a «dû abandonner (ses) affaires, (...) tout le matériel de travail et des cartes de visite», qui ont pu être trouvées «près du corps d'un des activistes qui malheureusement sont décédés» dans l'opération.

Après la chute de Baba Amr, des leaders locaux de la révolution et des commandants de l'ASL ont confié leurs craintes que l'armée n'attaque la petite ville rebelle de Qousseir, à 15 km de Homs. L'ASL envisageait de ne pas défendre Qousseir pour ne pas la transformer en champ de bataille.

Ils ont conseillé à quelques journalistes se trouvant dans la ville de partir, envisageant l'arrivée de l'armée régulière samedi ou dimanche.

Les combattants de l'ASL ne disposaient d'aucun armement lourd à opposer aux chars du régime, dont plus de 200 se trouveraient dans la région, tandis que des combattants ont signalé l'arrivée de renforts gouvernementaux.

Les manifestants ont réclamé l'armement de l'ASL, qui dit compter une vingtaine de milliers de déserteurs.

«Le vendredi de l'armement de l'Armée syrienne libre ... pour défendre nos familles», lit-on sur la page Facebook «The Syrian Revolution 2011», qui choisit le slogan des manifestations organisées après la prière chaque vendredi depuis l'éclatement de la révolte en mars 2011.

Les manifestations pacifiques n'ont pas réussi à faire tomber le régime, ce qui a favorisé la militarisation d'une partie de la contestation.

Le Conseil national syrien (CNS), principale instance de l'opposition, vient de créer un «bureau militaire» pour organiser des approvisionnements en armes.

Devant la paralysie de la communauté internationale, il avait appelé les hommes d'affaires syriens et arabes à financer les opérations rebelles. Des pays, comme le Qatar, se sont déjà dits prêts à fournir des armes.