Le plan de la Ligue arabe pour la Syrie est un premier signe clair qu'elle considère l'ère Bachar al-Assad révolue, mais la mise en oeuvre de cette feuille de route risque de prendre des mois, estiment des analystes lundi.

Le plan proposé dimanche par la Ligue arabe «a été une surprise très significative» et constitue «un signe clair qu'Assad doit quitter le pouvoir», souligne Salman Shaikh, directeur du centre de recherche Brookings Doha Center.

Réunis au Caire, les ministres des Affaires étrangères de la Ligue arabe, qui a envoyé fin décembre une mission d'observateurs en Syrie, ont appelé le président Assad à déléguer «des prérogatives au vice-président pour traiter avec un gouvernement d'union nationale» appelé à être «formé dans les deux mois».

Le plan, rejeté par le régime syrien, appelle gouvernement et opposition à «engager un dialogue sérieux» dans les deux semaines.

Le ministre qatari des Affaires étrangères, Hamad ben Jassem ben Jabr al-Thani, a précisé que la Ligue allait «informer l'ONU de l'ensemble des résolutions (...) en vue de leur approbation». Selon le secrétaire général de la Ligue, la demande d'appui de l'ONU vise à «donner plus de poids» au plan.

Selon des experts, le plan, adopté à l'unanimité des 22 membres de la Ligue à part le le Liban qui s'est abstenu, est la preuve que les voisins de la Syrie se préparent pour l'après-Assad.

«Ils ne parlent plus de la mission des observateurs», déployée en Syrie depuis le 26 décembre et qui vient de voir son mandat prolongé par la Ligue, souligne M. Shaikh.

«Ils doivent désormais rallier la communauté internationale à ce plan pour une transition dans l'après-Assad», estime-t-il.

Mais l'unanimité du Conseil de sécurité de l'ONU sur la Syrie n'est pas acquise, la Russie et la Chine refusant de dénoncer une répression qui perdure depuis le début en mars de la contestation anti-régime.

«La Ligue arabe devra déployer d'intenses efforts diplomatiques en coulisses en ouvrant un dialogue stratégique avec les Russes et les Chinois», ajoute l'expert.

L'appel de la Ligue arabe à un transfert de pouvoir constitue la première position régionale unanime sur la Syrie, mais le texte n'appelle pas clairement le président syrien à partir, relèvent les experts, estimant que la transition s'annonce longue.

«La Ligue arabe a perdu espoir quant à la volonté d'Assad de mener des réformes (...) Mais elle n'a pas encore demandé à Assad de signer le plan ni de promettre de quitter le pouvoir», souligne Hilal Kahchane, professeur de sciences politiques à l'Université américaine de Beyrouth.

«La proposition de ce plan est en elle-même un pas vers l'après-Assad, même si pour l'instant il y a peu de signes que des changements réels auront lieu dans un avenir proche», explique Paul Salem, qui dirige le Carnegie Middle East Center à Beyrouth.

«Le plan de la Ligue arabe est significatif car il offre une troisième voie, une solution qui ne représente ni une victoire complète du régime d'Assad ni une victoire complète des protestataires», affirme-t-il à l'AFP.

Mais le risque est que ce plan reste lettre morte, éloignant la possibilité d'un changement politique immédiat à Damas, le bilan s'alourdissant jour après jour pendant que la communauté internationale s'abstient de toute intervention directe, préviennent des analystes.

Selon l'ONU, plus de 5400 personnes ont péri en dix mois de révolte et de répression.

«Le rejet de ce plan par le régime syrien va probablement se traduire par plus d'effusion de sang et plus de répression, comme nous l'avons déjà observé par le passé», remarque M. Kahchane.

«C'est le début de ce qui va probablement être un très long processus (...) mais il n'y a plus de retour en arrière», a-t-il dit à l'AFP.