La France a accusé mercredi le régime syrien de Bachar al-Assad de «crimes contre l'«humanité», au moment où la ville de Homs (centre) est visée par une opération sanglante et où le chef de la Ligue arabe, Nabil al-Arabi, s'apprête à visiter Damas pour proposer une issue à la crise.

Au moins 20 personnes ont encore été tuées mercredi par les forces de sécurité  à travers le pays, selon des militants des droits de l'homme.

Dénonçant la répression en cours, le ministre français des Affaires étrangères, Alain Juppé, a affirmé «que le régime syrien s'est livré à des crimes contre l'humanité», à l'issue d'entretiens à Moscou avec son homologue russe Sergueï Lavrov.

«La répression du régime est tout à fait disproportionnée et aboutit à des effusions de sang tout à fait inacceptables. C'est la raison pour laquelle le Conseil de sécurité doit adresser un message fort (à Damas) pour que cette brutale répression cesse», a-t-il souligné.

Sergueï Lavrov lui a en substance opposé une fin de non-recevoir: «La priorité aujourd'hui est d'entamer un dialogue, des négociations. (...) Nous estimons qu'inciter certaines forces d'opposition au boycottage de ce dialogue est une voie dangereuse vers la répétition du scénario libyen».

Pour trouver une issue à la crise, le secrétaire général de la Ligue arabe, Nabil al-Arabi, va se rendre en Syrie samedi.

Sa visite, initialement prévue mercredi, vise à soumettre au président syrien un plan appelant à l'«arrêt immédiat» de la répression du mouvement de contestation lancé à la mi-mars, et à la tenue d'une présidentielle en 2014, soit à la fin du mandat de M. Assad.

La proposition enjoint également le président syrien à «entamer des contacts sérieux avec les représentants de l'opposition».

La proposition a été saluée par les Comités locaux de coordination (LCC), qui chapeautent le mouvement de contestation, la qualifiant de «bonne base pour résoudre la crise», tout en assurant ne pas faire confiance au «régime assassin» de Bachar al-Assad et en émettant des réserves sur le scénario d'un scrutin en 2014.

D'ailleurs sur le terrain, aucun signe ne laisse augurer un apaisement, les forces de sécurité menant au quotidien de vastes opérations dans plusieurs villes, notamment à Homs, avec un bilan d'au moins 20 morts dans le pays mercredi.

Dix-sept personnes ont été tuées par balle lors d'une incursion de plusieurs chars et transports de troupes à Homs, où la répression s'est intensifiée ces derniers jours, ont rapporté les LCC qui ont également fait état de «dizaines de blessés».

Des images particulièrement dures d'un homme blessé à terre achevé par des hommes en tenue militaire prises à Homs circulaient mercredi sur le site YouTube.

Dans la nuit de mardi à mercredi, environ 2000 personnes avaient de nouveau manifesté dans la ville, désormais divisée entre pro et anti-régime, selon des militants.

À Hama (centre), ville traditionnellement hostile au clan Assad, une personne a été tuée, et deux autres sont mortes à Sermin, dans la région d'Idleb (nord-ouest), lors d'une descente des forces de sécurité, selon les LCC.

Et dans le sud du pays, «plusieurs personnes ont été blessées lors d'une incursion des forces de sécurité et de l'armée dans la localité de Naaymé», a indiqué à l'AFP le président de l'OSDH, Rami Abdel Rahmane.

Selon l'ONU, les violences quasi-quotidiennes en Syrie ont fait au moins 2200 morts depuis le début des manifestations à la mi-mars, en majorité des civils. Le régime soutient en revanche qu'il lutte contre «des bandes terroristes armées».

Pour faire pression sur la Syrie, la communauté internationale, notamment les États-Unis et l'Europe, a annoncé récemment des sanctions commerciales très sévères.

L'Union européenne s'oriente d'ailleurs vers une interdiction des investissements dans le secteur pétrolier, ont indiqué mercredi des diplomates à Bruxelles.

Cette interdiction ferait partie d'un septième train de sanctions de l'UE contre Damas, incluant aussi le gel d'avoirs d'au moins cinq «entités» liées au régime, selon les sources diplomatiques.

Le ministre syrien des Finances, Mohamed Jleilati, a estimé que le taux de croissance dans le pays, qui avait atteint 5,5 % en 2010, devrait chuter à environ 1 % en 2011, reconnaissant un «impact négatif sur l'économie» du mouvement de contestation.

Il a également admis, en marge d'une réunion des ministres arabes à Abou Dhabi, que «le commerce et l'industrie seront affectés par les sanctions (prises par l'Union européenne), car la plupart des exportations de la Syrie sont destinées à l'Europe».

Il a néanmoins minimisé l'impact des sanctions sur l'industrie pétrolière, même si l'UE achète 95 % du pétrole exporté par la Syrie. Damas mise désormais sur les marchés émergents comme la Chine et l'Inde pour exporter son pétrole.

Le ministre a par ailleurs affirmé que le tourisme, qui avait représenté en 2010 12% du PIB, n'avait pas été très affecté. S'il a admis une baisse du taux d'occupation des hôtels, celui-ci s'établit encore à environ 40/50 %, selon lui.