Couché sur une civière, l'ancien président égyptien Hosni Moubarak, premier dirigeant du Moyen-Orient à comparaître devant un juge depuis le début du «printemps arabe», a plaidé non coupable mercredi à l'ouverture de son procès historique pour meurtres et corruption.



«Toutes ces accusations, je les nie complètement», a déclaré d'une voix rauque mais ferme M. Moubarak, en s'emparant du micro qui lui était tendu. Ses fils Alaa et Gamal, accusés de corruption, se sont également dits non coupables.

Après une audience de quatre heures, le juge a ajourné le procès des trois hommes au 15 août.

Alaa et Gamal, debout, se sont relayés auprès de leur père, couché sur une civière dans un box grillagé muni de barreaux, tout au long de l'audience, le cachant parfois partiellement à la caméra de la télévision d'État, qui a retransmis le procès en direct. Ils tenaient tous deux des livres à la main, probablement des exemplaires du Coran.

Le président du tribunal Ahmed Refaat a ordonné que l'ancien homme fort soit en attendant le 15 août admis dans le Centre médical international, près du Caire, et donné son accord pour qu'un cancérologue le suive «à chaque fois qu'il en aura besoin», comme l'avait demandé la défense.

Le procès pour meurtres de manifestants de l'ex-ministre de l'Intérieur Habib el-Adli et de six hauts responsables de la police a, lui, été ajourné à jeudi. Plus de 800 personnes ont été tuées pendant la révolte de janvier-février.

L'homme d'affaires Hussein Salem, un proche des Moubarak qui a fui en Espagne, est pour sa part jugé par contumace pour corruption.

Un représentant du Parquet général avait auparavant accusé M. Moubarak de s'être mis d'accord avec M. el-Adli pour le meurtre «prémédité» de manifestants anti-régime dans plusieurs gouvernorats d'Égypte et accusé Alaa et Gamal de corruption.

Si M. Moubarak est reconnu coupable de meurtre, il risque la peine de mort.

C'est la première fois que le président déchu, 83 ans, apparaît en public depuis sa démission le 11 février. Vêtu de blanc, il a régulièrement parlé à ses fils, calmes et eux aussi habillés en blanc, la tenue réglementaire des prévenus n'ayant pas encore été condamnés.

Il s'agit d'un procès historique pour l'Égypte et le monde arabe, où l'impunité est habituellement la règle. L'ex-président tunisien Zine El Abidine Ben Ali, chassé du pouvoir le 14 janvier par une révolte populaire et réfugié en Arabie saoudite, est lui jugé par contumace pour abus de pouvoir notamment.

Les Frères musulmans en Égypte, autrefois interdits, ont estimé que ce procès était «une victoire» pour le peuple et devrait l'aider à avoir «confiance» dans l'armée, qui dirige le pays depuis le 11 février.

A l'étranger, les États-Unis ont indiqué qu'ils pensaient que le procès se déroulerait de manière juste et transparente. «Nous allons bien évidemment suivre de près le procès» de M. Moubarak, a dit un porte-parole du département d'État.

«Il est très important qu'il soit libre, transparent et juste», a-t-il souligné. «Nous pensons que les autorités égyptiennes sont capables d'organiser un tel procès».

L'audience s'est déroulée dans le calme, bien que les nombreux avocats présents aient réclamé avec insistance et parfois bruyamment la parole.

L'un des avocats représentant la société civile a demandé à ce que le maréchal Hussein Tantaoui, ministre de la Défense de M. Moubarak pendant 20 ans et aujourd'hui chef d'État de facto de l'Égypte, comparaisse en tant que témoin.

Devant l'académie de police, où se tient le procès pour des raisons de sécurité, des centaines de personnes dont des familles des victimes suivaient avec attention l'audience sur un écran géant.

Mais des heurts sporadiques entre pro et anti-Moubarak, qui se sont affrontés à coups de pierres, ont fait plusieurs blessés malgré la forte présence de la police et de l'armée.

Le procès a passionné le pays, et les rues habituellement bondées du Caire étaient anormalement calmes pendant l'audience.

M. Moubarak avait quitté tôt le matin à bord d'une ambulance l'hôpital de Charm el-Cheikh, où il était en détention préventive depuis avril à la suite de problèmes cardiaques. Il a quitté la station balnéaire en avion et atterri dans la matinée à l'aéroport militaire d'Almaza, au Caire, avant d'être conduit à l'académie.

Plus tôt, ses partisans avaient manifesté en brandissant des portraits de l'ex-président, tandis que les anti-Moubarak tenaient à la main des photos d'une corde, symbole de la pendaison qu'ils souhaitent à l'ex-président.

Récemment, l'avocat de M. Moubarak, Farid al-Dib, a assuré que ce dernier souffrait d'un cancer et, la semaine dernière, qu'il était dans le coma, ce que l'hôpital a démenti. L'un de ses médecins a affirmé à l'AFP qu'il était dans un état relativement stable mais qu'il était faible, car il refuse de s'alimenter, et très déprimé.

Photo Reuters

Un graffiti du président déchu Hosni Moubarak dans les rues du Caire.