Des dizaines de milliers de Yéménites ont organisé des manifestations à travers le pays, vendredi, pour exiger que l'ancien président Ali Abdallah Saleh soit traduit en justice pour la mort de centaines de manifestants lors du soulèvement qui a commencé il y a dix mois.

L'ex-président Saleh, au pouvoir depuis 33 ans, a conclu une entente qui lui accorde l'immunité judiciaire en échange de sa démission. Le mois dernier, M. Saleh, autrefois fidèle allié des États-Unis dans la lutte contre Al-Qaïda, a transféré ses pouvoirs à son vice-président, et a indiqué qu'il voulait se rendre aux États-Unis pour recevoir des traitements pour les blessures qu'il a subies lors d'une tentative d'assassinat, en juin.

De nombreux Yéménites s'opposent à cet accord, proposé par les pays du Golfe et soutenu par les États-Unis, parce qu'il ne prévoit pas de changements politiques profonds et qu'il ne permet aucune poursuite contre Ali Abdallah Saleh.

Dans le cadre de l'accord, les postes ministériels du nouveau gouvernement ont été répartis également entre des membres du gouvernement Saleh et des membres de l'opposition.

Le slogan de vendredi faisait référence aux objectifs non accomplis de la révolution: «Ensemble, atteignons les buts de la révolution». Les manifestants portaient des photos de M. Saleh avec l'inscription : «Tu n'échapperas pas au châtiment».

«Saleh n'obtiendra pas l'immunité, peu importe le prix que nous devrons payer», a lancé un militant, Mahmoud Taha.

Les États-Unis évaluent toujours la demande de visa d'Ali Abdallah Saleh. Craignant de donner l'impression d'offrir l'asile à un autocrate ayant du sang sur les mains, l'administration Obama veut s'assurer que M. Saleh ne cherche que des soins médicaux et qu'il n'a pas l'intention de rester aux États-Unis, ont expliqué des responsables américains cette semaine.

Ali Abdallah Saleh a été un partenaire clé des États-Unis dans la lutte contre Al-Qaïda dans la péninsule arabique, que Washington considère comme la branche la plus dangereuse du réseau terroriste.

Mais alors que le bilan des victimes augmentait pendant le soulèvement, les États-Unis ont fini par se ranger du côté de ceux qui faisaient pression pour que M. Saleh quitte le pouvoir.

Les manifestants ont demandé vendredi que les membres du régime Saleh soient exclus des hautes fonctions gouvernementales. Des manifestations ont eu lieu dans la capitale et dans 18 autres villes du pays.

Pour le deuxième jour consécutif, des soldats postés devant le quartier général des services de sécurité ont bloqué l'entrée au chef de la sécurité, Mohammed El-Qawsi, un proche de M. Saleh qui aurait formé des milices utilisées pour attaquer les manifestants au cours des derniers mois.

Autre acte de défiance venant de l'intérieur du régime, des centaines de policiers ont organisé une manifestation assise dans leurs postes à Sanaa.

Les policiers demandent le congédiement de certains hauts responsables du ministère de l'Intérieur qu'ils accusent de corruption et de liens avec le régime Saleh.

Quelques milliers de partisans de l'ancien président ont par ailleurs organisé une contre-manifestation dans la capitale, jugeant l'accord de transfert du pouvoir inconstitutionnel.

«Le peuple veut Ali Abdallah Saleh», scandaient les manifestants, une déformation du slogan «Le peuple veut la chute du régime», scandé dans les autres soulèvements qui ont traversé le monde arabe au cours de l'année.

Pour la première fois, la télévision publique yéménite, vue comme une porte-parole du régime, n'a pas fait mention de la manifestation pro-Saleh.

Un communiqué diffusé par le gouvernement appelle les Yéménites à être patients et à laisser au nouveau cabinet le temps de répondre à leurs demandes.