Le sultanat d'Oman a mis en place mardi un nouveau gouvernement après un remaniement majeur destiné à répondre aux critiques de manifestants exigeant des réformes, une décision qui illustre l'approche négociée choisie par les monarchies du Golfe.

Cette initiative, la première de cette ampleur depuis que le sultan Qabous a pris le pouvoir en 1970, a été saluée par Washington, qui considère la stabilité du sultanat comme un élément clef de sa stratégie dans le Golfe, région fournissant une large part du pétrole nécessaire à l'économie mondiale où des tensions sont apparues ces dernières semaines.

«Nous sommes satisfaits des mesures récentes de réforme engagées par le gouvernement d'Oman», a déclaré Philip Crowley, le porte-parole du département d'État.

Dix ministres ont été remerciés lundi en plus des deux qui avaient été renvoyés samedi, selon des sources officielles, soit plus du tiers d'une équipe qui comptait à l'origine une trentaine de titulaires.

Trois ministres détenant des portefeuilles majeurs et dont les manifestants demandaient le limogeage ont été congédiés: celui de l'Economie, Ahmed ben Abdel Nabi Mekki, celui de l'Intérieur, Saoud ben Brahim al-Boussaïdi, et celui du Commerce et de l'Industrie, Makboul ben Ali ben Sultan.

Le sultan Qabous, 70 ans, concentre les fonctions de chef d'Etat, Premier ministre, ministre de la Défense et ministre des Finances, mais il n'est pas visé par les protestataires.

Des manifestations avaient commencé à la fin février à Oman pour demander la création d'emplois, et la démission de ministres soupçonnés de corruption. Mardi, des protestataires ont continué à manifester, exigeant que les ministres malhonnêtes soient jugés.

Ces expressions de colère, faits rares dans le sultanat, suivaient de peu le début des manifestations dans le royaume de Bahreïn, mi-février. Des appels à des manifestations ont été lancés en Arabie saoudite et dans le richissime émirat du Koweït.Jusqu'à présent, seuls les Emirats Arabes Unies (EAU) et le Qatar ont été épargnés par les troubles, même si des pages Facebook appelant au changement au Qatar sont apparues sur internet.

La mobilisation dans le Golfe a parfois pris un ton hostile aux dynasties en place, comme à Bahreïn, mais elle n'a jamais été aussi déterminée que celle qui a permis récemment d'évincer des autocrates dans le monde arabe.

Les manifestations, notamment à Oman et à Bahreïn, ont été marquées par des violences, qui ont cependant été rapidement contrôlées et n'ont pas provoqué la même radicalisation des mouvements qu'en Tunisie et en Egypte.

Enfin, dans ces états pétroliers et gaziers dont la sécurité face à d'éventuelles menaces extérieures dépend de la protection américaine, les forces armées se sont montrées fidèles aux pouvoirs en place.

A Bahreïn, le roi Hamad ben Issa Al-Khalifa a lui aussi procédé le 26 février au remplacement de trois ministres à des postes clefs dans les domaines sociaux, sans pour autant calmer les manifestants. Les protestataires continuent de demander le départ du Premier ministre, cheikh Khalifa ben Salman Al-Khalifa, en place depuis quarante ans.

Enfin, des rumeurs de remaniement circulent en Arabie saoudite, depuis le retour le 23 février dans le pays du roi Abdallah, âgé de 86 ans. Elles ne se sont pas concrétisées, mais les changements évoqués concernent la redistribution des plus hautes fonctions dans le cercle étroit des membres de la famille royale.

La stabilité du royaume, premier producteur et exportateur de pétrole, est un objectif stratégique des Etats-Unis qui ont rappelé mardi qu'ils étaient en faveur de la liberté d'expression, mais n'ont pas obtenu que Ryad lève l'interdiction de manifester.