L'image du Canada est en jeu si le gouvernement tarde à geler les avoirs du président déchu Ben Ali, a déclaré mercredi l'ambassadeur de la Tunisie au Canada.

Le Canada doit être du côté du peuple tunisien et non du côté des criminels, a ajouté l'ambassadeur Mouldi Sakri, en entrevue à La Presse Canadienne.

Il affirme ne pas avoir reçu de réponse officielle d'Ottawa malgré la demande dès la fin du mois de janvier du gel des biens au pays de l'ex-président Zine El Abidine Ben Ali et de sa famille, accusés notamment de transferts illégaux de fonds à l'étranger.

Le Canada invoque les lois canadiennes sur la protection des renseignements personnels pour expliquer son mutisme sur ce qui est entrepris ou non, a déploré l'ambassadeur, qui affirme être encore «dans le flou».

«Notre souhait est que le gouvernement canadien prenne des mesures urgentes pour sauvegarder ces biens jusqu'à ce que justice soit faite», a plaidé M. Sakri.

Et si l'ex-président tunisien et les membres de sa famille ne sont pas trouvés coupables, leurs biens leur seront restitués, explique-t-il.

Deux autres demandes ont été formellement faites au gouvernement canadien par le ministère de la justice de la Tunisie, a-t-il expliqué. Il s'agit d'un mandat d'arrêt international contre Belhassen Trabelsi - le beau-frère de l'ex-président - qui se trouverait en sol canadien, et aussi une commission rogatoire internationale pour demander au Canada d'aider la justice tunisienne.

Malgré ces trois demandes qui remontent à plus de trois semaines, le ministre des Affaires étrangères, Lawrence Cannon, se contente de répondre aux questions des députés aux Communes - qui le pressent d'agir - que le gouvernement canadien «évalue les options» avec celui de la Tunisie.

Mais le temps presse, note l'ambassadeur, qui ne manque pas de souligner que plusieurs pays d'Europe ont déjà saisi les biens de la famille de Ben Ali.

«Il faut que le Canada, qui a toujours été en faveur des droits de l'Homme et qui appuie le droit des peuples à s'affranchir, (soit) vraiment du côté du peuple tunisien, et non du côté des criminels», a dit l'ambassadeur, indiquant qu'il continuait ses démarches auprès des responsables à Ottawa.

Le chef du Bloc québécois, Gilles Duceppe, appuie l'ambassadeur.

Le gouvernement n'a qu'à geler les avoirs de façon provisoire et faire des vérifications plus poussées après. Sinon, il n'y aura plus rien à saisir, a-t-il dit.

«Parce que là ce sont des artistes et des spécialistes, des experts en matière d'évasion fiscale. On leur laisse tout le temps pour que l'argent vogue vers les paradis fiscaux et par la suite, on dira il n'y a plus d'argent», a fait valoir M. Duceppe.

Le gouvernement doit cesser «d'évaluer ses options» et agir, affirme le chef bloquiste.

«Pendant tout ce temps, de qui sont-ils les complices, parce que l'argent va se rendre dans des paradis fiscaux. Quel est l'intérêt de ce gouvernement? Est-ce que ce sont des gens qu'ils protègent?» a demandé Gilles Duceppe.

Des membres de la famille de Ben Ali possèdent notamment une maison à Westmount, sur l'île de Montréal, évaluée à plus de 2 millions $.

À la mi-janvier, Zine El Abidine Ben Ali, âgé de 74 ans, a été forcé par la révolte du peuple tunisien de quitter le pouvoir qu'il détenait depuis 23 ans.