Des visages en sang, des hommes et des femmes en pleurs, des dizaines de morts: plusieurs explosions à l'aéroport international et dans le métro ont plongé Bruxelles et sa population dans la stupeur et l'horreur mardi matin. « On pensait qu'après l'arrestation de Salah Abdeslam, ça allait se calmer à Bruxelles. C'était une farce ».

Dobra Keisi, jointe par La Presse dans la capitale belge, ne dérougit pas de colère. Une explosion au métro Maelbeek, qui dessert le Parlement européen et nombre d'autres institutions de l'Union européenne, a fait au moins 15 morts et 55 blessés à 9 h 11 ce matin, soit en pleine heure de pointe.

La situation était très confuse devant cette station, d'où s'échappait un nuage de poussière vers 9 h 30. Un journaliste de l'AFP a vu une quinzaine de personnes au sol, recevant les premiers soins sur le trottoir. Parmi eux, plusieurs avaient le visage en sang, certains pleuraient.

Le restaurant des Keisi, le Buongustaio, se trouve à 250 mètres de la station de métro. « Nous sommes visés. L'Union européenne est visée », dit la restauratrice.

Sa famille a été aux premières loges de l'attentat. « Ma mère était tout près quand l'explosion a eu lieu. Elle a dû abandonner la voiture et a malheureusement dû passer devant la station de métro. Elle a vu la fumée, les gens évacués. Elle est sous le choc », nous a dit la Bruxelloise lors d'un entretien téléphonique à partir du restaurant familial.

Le quartier qui l'entoure est sous les verrous. « Tout est fermé maintenant. Les bureaux, les restaurants, le métro », témoigne Mme Keisi, en ajoutant que Bruxelles est sur les dents depuis les attentats de Paris de novembre dernier. « On voyait des militaires stationnés devant toutes les institutions gouvernementales et européennes », relate-t-elle. « On craignait un attentat depuis longtemps ».

Vendredi dernier, quand Salah Abdeslam - recherché pour son rôle dans les attentats de Paris - a été arrêté dans le quartier de Molenbeek, plusieurs Bruxellois, dont Mme Keisi, ont soufflé un peu, se disant que le pire avait été évité. « On avait tout faux », se désole-t-elle aujourd'hui.

Panique générale à l'aéroport, frappé en premier

«Un monsieur a crié en arabe, il a crié quelques mots et j'ai entendu une grosse déflagration», raconte à l'AFP Alphonse Lyoura, du sang sur les mains. «C'était la panique générale», poursuit cet employé qui s'occupait de la sécurité des bagages à l'aéroport de Bruxelles-Zaventem.

Il a entendu un premier tir à 8 h (3 h à Montréal), avant une «forte explosion». «J'ai aidé au moins six, sept blessés, on a sorti cinq corps qui ne bougeaient plus», affirme-t-il à l'AFP.

«Tout le monde fuyait, tout le monde trouvait un moyen pour se planquer, c'était la débandade», raconte Michel Mpoy, 65 ans, venu chercher un ami arrivant de Kinshasa.

Valérien, un autre témoin, dit avoir vu «des blessés partout». «J'ai vu une maman, elle n'avait rien, mais son enfant était blessé», raconte-t-il.

Les différents témoignages recueillis par l'AFP situent vers 8 h la première déflagration entendue dans l'aéroport.

Une heure plus tard, une journaliste de l'AFP a vu des centaines de personnes évacuant l'aéroport, tirant leurs valises, appelant leurs proches au téléphone.

«On a entendu un grand boum», raconte Anne, qui travaillait dans le hall d'entrée. «On a cru que c'était les travaux parce qu'il y a beaucoup de travaux, mais on a vu des personnes arriver en panique». «Elles pleuraient, elles avaient peur», dit-elle.

«Du sang dans l'ascenseur» de l'aéroport

Parmi une trentaine d'employés évacués de l'entreprise Swissport, une compagnie de sous-traitance aérienne au sol, des femmes en larmes, certains qui s'étreignent.

Peter était dans le hall des départs, au comptoir Swissport. «J'ai entendu la première explosion, j'ai pris un enfant dans mes bras, je l'ai caché sous un comptoir, après je l'ai confié à un policier», témoigne-t-il.

«Il y avait des blessés partout, certains ne bougeaient plus. Je voulais aider, mais je ne pouvais pas», explique-t-il. «Je me suis sauvé le plus vite possible».



Jean-Pierre Lebeau venait lui d'arriver à l'aéroport, en provenance de Genève, quand il a entendu la première déflagration. «On a senti le souffle de l'explosion», dit-il, décrivant ensuite «le plafond tombé... une odeur de poudre... du sang dans l'ascenseur». «On a d'abord été parqués vers la Police aux frontières puis on nous a donné l'ordre d'évacuer».

À l'extérieur de l'aéroport, un couple est enlacé, visiblement choqué. «Ma femme venait juste d'arriver. Nous nous sommes salués et nous avons pris l'ascenseur», se souvient Jean-Pierre Herman. Tous deux ont alors «couru vers une sortie d'urgence».

- Avec l'AFP