Le gouvernement français s'est employé mardi à justifier l'état d'urgence décrété après les attentats de novembre, appelant dans le même temps les touristes à venir à Paris, alors que des critiques montent sur une utilisation abusive de ce statut d'exception.

Une prolongation de l'état d'urgence au-delà de février? «Il ne faut pas écarter cette possibilité (...) en fonction de la menace», a répondu sur la radio Europe 1 le premier ministre français Manuel Valls.

La fin programmée au 26 février de l'état d'urgence a été fixée par une loi adoptée dans la foulée des attentats du 13 novembre (130 morts), dont certains des auteurs sont toujours en fuite, et qui ont été revendiqués par le groupe jihadiste État islamique.

Manuel Valls a reconnu mardi «une restriction des libertés», mais précisément «pour protéger nos libertés».

«Il y a un débat dans notre société», mais le Parlement «va contrôler (sa) mise en oeuvre», a rétorqué le premier ministre. «Nous avons fait face à un acte de guerre avec une menace précise» et pour y «faire face (...) il faut se protéger, c'est le sens de l'état d'urgence».

Selon un sondage publié mardi, la cote du président français François Hollande a bondi de 22 points depuis les attentats pour atteindre 50% d'opinions positives, signe apparent de l'adhésion de beaucoup de Français aux mesures prises par l'exécutif.

L'interdiction absolue de manifester sur la voie publique dans la région parisienne, décidée après les attentats, a pris fin dans la nuit de lundi à mardi. La police de Paris peut toutefois encore prendre des mesures d'interdiction ponctuelles comme celle, annoncée mardi, de manifester d'ici au 13 décembre autour du Bourget - au nord de Paris, site de la conférence COP21 sur le climat - et sur la célèbre avenue des Champs-Elysées.

Cinquante-huit personnalités françaises avaient lancé lundi un appel pour défendre la liberté de manifester pendant l'état d'urgence. L'avocat Henri Leclerc, président d'honneur de la Ligue des droits de l'Homme, a jugé «préoccupante» la prolongation de l'état d'urgence.

Prison ferme pour un manifestant 

Dimanche, plus de 300 personnes avaient été interpellées après des heurts entre policiers et manifestants dénonçant la COP21. La plupart ont été relâchées, mais mardi, deux premiers manifestants ont été condamnés par un tribunal parisien, l'un à trois mois de prison ferme pour avoir lancé une bouteille en verre sur un policier qui a été légèrement blessé, l'autre pour avoir refusé de laisser prendre ses empreintes digitales. Deux autres personnes restent en garde à vue.

Interrogé à l'Assemblée nationale, le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve a assuré avoir «pris toutes les précautions» et précisé avoir décidé, avant même cette manifestation, de 26 assignations à résidence à l'encontre de «casseurs».

Depuis les attentats du 13 novembre, plus de 2000 perquisitions administratives (sans contrôle judiciaire) ont été menées dans le cadre de l'état d'urgence, selon Manuel Valls. Elles «ont permis de saisir 320 armes, dont une trentaine d'armes de guerre. Plus de 250 procédures judiciaires ont été initiées à la suite de ces perquisitions, plus de 210 personnes ont été placées en garde à vue», a-t-il précisé.

Alors que l'économie française souffre d'une perte d'activité liée aux attentats du 13 novembre, le premier ministre a exhorté les touristes à venir à Paris.

«Venez à Paris, les conditions de sécurité sont assurées!», a lancé le chef du gouvernement dans un «message à tous ces touristes qui ont annulé ces derniers jours leur déplacement à Paris». «Consommez, c'est le moment des fêtes, dépensez, vivez, reprenez le chemin des spectacles, du cinéma et du théâtre», a-t-il ajouté.

Hôteliers et restaurateurs, en particulier parisiens, ont constaté des baisses notables de fréquentation. Cafés et restaurants, visés directement lors des attaques, ont enregistré une baisse de fréquentation dans la capitale d'environ 40% comparativement à la même période en 2014, selon l'Union des métiers et industries hôtelières (UMIH).

Selon la Direction générale du Trésor (DGT), les attentats du 13 novembre pourraient amputer la croissance française de 0,1 point de PIB au cours des prochains mois, soit deux milliards d'euros.