Angela Merkel et François Hollande ont appelé mercredi à l'unité pour changer la politique d'asile «obsolète» en Europe, confrontée à sa pire crise migratoire depuis 1945, au moment où l'UE passait à l'offensive contre les passeurs en Méditerranée.

Mme Merkel et M. Hollande ont profité de leur adresse conjointe devant le Parlement européen à Strasbourg pour appeler l'Europe à l'unité face aux crises qui secouent le Vieux continent, à commencer par celle des réfugiés, mais aussi à empêcher une «guerre totale» en Syrie.

«C'est précisément maintenant qu'il faut plus d'Europe. Il faut le courage et la cohésion dont l'Europe a toujours fait preuve quand c'était nécessaire», a plaidé la chancelière allemande, en rappelant «les bouleversements» que l'Union européenne avait surmontés depuis la chute du Mur en 1989.

Le président français a également mis en garde, sous les applaudissements, contre une «fin de l'Europe» et un «retour aux frontières nationales» si l'UE ne faisait pas preuve d'unité.

Les deux dirigeants ont rappelé avec émotion qu'ils suivaient l'exemple de François Mitterrand et Helmut Kohl, venus ensemble à Strasbourg en novembre 1989, quelques semaines seulement après la chute du Mur de Berlin.

Mme Merkel s'est défendue de vouloir faire «cavalier seul» alors que sa décision d'accorder l'asile à tous les réfugiés syriens qui arriveraient en Allemagne est vivement critiquée, notamment en Hongrie mais également de plus en plus chez elle.

«Ce n'est qu'ensemble» que les Européens parviendront à surmonter les défis, a-t-elle lancé, en évoquant la lutte «contre les passeurs criminels», le contrôle des frontière extérieures, le rapatriement des migrants économiques dans leur pays d'origine et une «répartition équitable» des réfugiés entre les 28 États membres.

Dublin «obsolète»

La chancelière a jeté un pavé dans la mare, en estimant que le processus de Dublin en vertu duquel les réfugiés arrivant dans l'UE doivent demander l'asile dans le premier pays qu'ils foulent, «est obsolète».

«Nous ne pouvons pas demander aux pays qui sont aux frontières de l'Europe de payer pour tous les autres» en portant seuls ce fardeau, a abondé son partenaire français.

Au-delà des confins de l'Europe, M. Hollande a regretté que l'Union ait «tardé» à mesurer l'ampleur des «tragédies» au Proche-Orient et en Afrique à l'origine des mouvements de réfugiés.

En Syrie, «si nous laissons les affrontements religieux s'amplifier encore, ce sera une guerre totale, qui pourra concerner aussi nos propres territoires», a-t-il averti à propos des menaces terroristes.

Parallèlement, en Méditerranée, les Européens sont passés mercredi à une phase supérieure dans leur opération navale contre les passeurs de migrants au large de la Libye.

Six bâtiments de guerre européens - italien, français, allemands, britannique et espagnol - et leurs 1300 membres d'équipage peuvent désormais arraisonner de force, inspecter, saisir et détruire les embarcations utilisées par les trafiquants, dans les eaux internationales.

Ils verrouillent ainsi toute la côte nord-ouest de la Libye, de la frontière tunisienne jusqu'à Syrte, d'où partent chaque semaine des milliers de réfugiés, mais aussi de ressortissants africains fuyant la misère, sur des radeaux de fortune à destination de l'Europe.

Pour lui donner un visage plus humain, l'opération a été rebaptisée «Sophia», du nom d'une fillette née après le sauvetage d'une embarcation en perdition, en août, par un bâtiment de guerre allemand.

L'autre route empruntée par les réfugiés syriens et irakiens, qui embarquent des côtes turques vers les îles grecques en mer Égée, puis rallient le nord de l'Europe via les Balkans, la Hongrie ou la Croatie, continue de voir affluer des milliers de personnes.

«Souffrance déchirante»

Trois trains sont partis de la frontière serbe vers la Hongrie en traversant la Croatie entre mardi et mercredi. Ce mode de transport est désormais privilégié par les autorités pour des questions d'efficacité: un train peut transporter jusqu'à mille personnes.

L'Europe, déjà traumatisée par la crise grecque, a étalé ces dernières semaines ses divisions sur les mesures à prendre pour accueillir des demandeurs d'asile, mais aussi pour assurer le contrôle de ses frontières extérieures.

D'un côté, la Hongrie a fermé sa frontière avec la Serbie, désormais jalonnée de clôtures et barbelés. Budapest entend rendre étanche «dès que possible» la zone frontalière avec son voisin croate, ce qui a poussé la Commission européenne a lui demandé mardi des «éclaircissements».

De l'autre, l'Allemagne a accueilli à bras ouverts des centaines de milliers de réfugiés syriens.

«Nous sommes bouleversés devant la souffrance déchirante de ceux qui viennent en Europe pour fuir la violence et le fanatisme», a résumé le roi d'Espagne, Felipe VI, invité mercredi au Parlement européen. «Nous ne pouvons pas les laisser tomber», a plaidé le souverain espagnol.