Les ministres de l'Intérieur des 28 se retrouvent mardi à Bruxelles afin de tenter de trouver un accord sur la répartition des réfugiés alors que, selon l'OCDE, cette crise migratoire «sans précédent» risque de durer, faute de stabilisation des pays d'origine.

Au total, un million de demandes d'asile pourraient être déposées en 2015 dans les pays de l'Union européenne, selon l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) qui, dans un rapport annuel sur les migrations, estime à «350 000 à 450 000» le nombre de personnes qui devront bénéficier d'une protection, dont un quart sont des enfants, selon l'UNICEF.

Pour l'instant, les 28 sont appelés à se répartir 120 000 personnes, alors que les migrants sont déjà quatre fois plus à avoir rallié l'Europe depuis janvier, selon le Haut-commissariat de l'ONU aux réfugiés (HCR).

Selon des sources proches de la présidence luxembourgeoise de l'UE, la proposition initiale de la Commission européenne de rendre obligatoires les quotas de répartition, rejetée par les pays d'Europe centrale, pourrait être assouplie pour arriver à un compromis.

À quelques heures de la réunion ministérielle de Bruxelles, le chef de la diplomatie du Luxembourg Jean Asselborn s'est montré confiant: «Notre proposition devrait coller», a-t-il dit, sans plus de détails.

Cette nouvelle proposition ne ferait plus référence au caractère «contraignant» des quotas de répartition, selon des sources européennes. En signe de bonne volonté, la Pologne s'est même déclarée prête à accueillir plus de réfugiés que les quotas proposés.

Pour répondre aux demandes de plusieurs pays européens inquiets des conséquences budgétaires de l'accueil des migrants, Bruxelles pourrait aussi considérer la crise comme une «circonstance exceptionnelle» ouvrant ainsi la voie à des dépassements de déficits, selon le commissaire aux Affaires économiques Pierre Moscovici.

Enfin, l'UE pourrait dégager une aide financière pour les pays frontaliers de la Syrie (Turquie, Jordanie, Liban) qui hébergent près de quatre millions de réfugiés.

L'Europe et sa «raison d'être»

Face à la ligne dure adoptée par la Hongrie qui a multiplié les mesures antimigrants, allant jusqu'à autoriser lundi ses forces de sécurité à recourir à la force, Budapest pourrait être autorisé à ne pas accueillir de «points chauds», ces centres de tri des réfugiés qui seront ouverts dans les pays de première entrée.

La réunion ministérielle de Bruxelles sera suivie mercredi d'un sommet extraordinaire des chefs d'État et de gouvernement, qualifié de «dernière chance» par le HCR.

«L'Europe a connu d'autres crises. Mais là, d'une certaine façon, c'est sa raison d'être et son fonctionnement même qui sont en cause», a jugé mardi le chef de la diplomatie française Laurent Fabius dans un entretien à plusieurs journaux européens.

«Si on n'agit pas vite, les risques d'explosion sont réels et considérables», a-t-il mis en garde.

Sourde aux critiques de ses partenaires et des ONG, la Hongrie, qui a vu transiter 225 000 migrants depuis le début de l'année, poursuit la construction d'une nouvelle clôture à la frontière avec la Croatie, par où entrent depuis des jours des dizaines de milliers de migrants jugés indésirables.

Au poste-frontière croato-hongrois de Beremend, des piliers ont été plantés tous les trois mètres, en attente d'un grillage et de barbelés, à l'image de la clôture déjà érigée sur les 175 km de frontière avec la Serbie.

Mardi matin, des dizaines de militaires et policiers hongrois attendaient, postés près d'une vingtaine de bus, les réfugiés arrivant de Croatie qui comme la veille seront transportés jusqu'à la frontière autrichienne.

Débordée, la Croatie a décidé de fermer lundi sa frontière avec la Serbie, provoquant plusieurs kilomètres d'embouteillage de camions et la fureur de Belgrade face à une décision «irresponsable».

Le premier ministre croate Zoran Milanovic a exhorté mardi la Serbie à recommencer à acheminer des migrants vers la Hongrie et de les orienter également vers la Roumanie pour désengorger son pays submergé par l'arrivée de plus de 35 000 réfugiés depuis six jours.

«Je n'accuse pas la Serbie, mais je leur dis (...) envoyez (des migrants, NDLR) vers la Hongrie et la Roumanie, vers la Croatie aussi, et puis nous les acheminerons à notre tour dans toutes les directions», a dit à la presse M. Milanovic.

Belgrade a cessé d'envoyer depuis le 16 septembre des migrants vers la Hongrie qui a rendu étanches par une clôture barbelée ses 175 km de frontières avec la Serbie. Ce jour-là, de violents affrontements entre migrants et policiers hongrois ont eu lieu au passage frontalier serbo-hongrois de Röeszke, dans le nord de la Serbie, lorsque Budapest, après avoir toléré leur passage pendant des jours, l'a soudainement interdit une fois la clôture barbelée érigée.

«Vu à la télévision»

Dans leur très grande majorité, ces migrants, pour beaucoup Syriens, Afghans ou encore Irakiens, aspirent à gagner l'Autriche, l'Allemagne ou la Scandinavie, à l'exception notable du Danemark, jugé inhospitalier par les candidats à l'exil.

Ahmad, ancien coiffeur en Syrie, explique qu'il veut aller «en Autriche ou aux Pays-Bas», car il a «vu à la télévision que les Autrichiens étaient des gens généreux» et «les Néerlandais des gens ouverts».

En prévision d'un afflux important de réfugiés, les Pays-Bas ont entamé la construction d'un gigantesque camp dans une clairière, près de la frontière allemande.

Environ 3000 demandeurs d'asile y seront bientôt logés dans des pavillons blancs de métal et de plastique construits sur 5,5 ha.

Ce camp, le plus grand du pays, devra toutefois être démantelé au plus tard pour juin, le terrain devant être utilisé pour des Jeux paralympiques.

Une solution de «court terme» contre laquelle l'OCDE met en garde l'Europe dans son rapport.

«À court terme, les perspectives sont minces de voir la situation de stabiliser significativement dans les principaux pays d'origine», prévient l'organisation qui voit «des flux importants en perspective dans les années à venir».

Mais, assure l'OCDE, «l'Europe a les moyens et l'expérience pour répondre à cette crise».