«Rick Boucher tente de vous berner», dit le narrateur d'une publicité télévisée attaquant le représentant démocrate d'une circonscription de Virginie. «Boucher a manqué à son devoir de protéger nos emplois. Il est temps qu'il perde le sien.»

La publicité est signée et payée par un organisme au nom inoffensif - Americans for Job Security (Américains pour la sécurité d'emploi) -, dont les membres, issus du milieu des affaires, jouissent de l'anonymat le plus complet.

À un peu plus de deux semaines des élections de mi-mandat, les téléspectateurs américains sont bombardés de pubs financées par des groupes indépendants comme Americans for Job Security qui n'ont pas à divulguer l'identité de leurs donateurs en raison d'une disposition du code des impôts.

Le phénomène n'est pas nouveau, mais il s'est aggravé depuis que la Cour suprême a permis, en janvier, aux entreprises privées, aux syndicats et aux organisations à but non lucratif de consacrer des sommes illimitées en pubs de campagne.

«Les groupes indépendants ont déjà dépensé deux fois plus d'argent que ce qu'ils avaient investi pendant toute la campagne de 2006. Et il n'y a souvent aucune façon de savoir qui sont leurs donateurs», dit Evan Mackinder, du Center for Responsive Politics (CRP), organisme indépendant qui étudie le financement des campagnes électorales.

Selon les données du CRP, la majeure partie des dépenses des groupes indépendants, évaluées à 153 millions de dollars en date du 14 octobre, a servi au financement de spots télévisés dénonçant les candidats démocrates et les politiques de leur parti.

Enjeu électoral

Cette situation favorable aux républicains n'est sans doute pas étrangère à la décision de Barack Obama et de ses alliés de transformer la question du financement occulte en enjeu électoral.

«Ce qui est en train de se produire dans cette élection est sans précédent», a déclaré le président mardi devant des étudiants de l'Université George Washington. «Nous ne savons pas qui est derrière ces publicités. Des compagnies pétrolières qui n'aiment pas nos positions sur l'environnement? Des banques? Des entreprises étrangères?»

La Chambre de commerce des États-Unis, qui dispose d'un budget publicitaire de 75 millions de dollars pour les élections de mi-mandat, est l'un des groupes indépendants les plus actifs. Les démocrates l'ont accusé d'avoir reçu de l'étranger de l'argent qui a servi au financement de pubs électorales, ce qu'ont nié les porte-parole du groupe.

Le site internet progressiste Think Progress a néanmoins publié cette semaine une liste de sociétés étrangères qui auraient versé au moins 885 000$ dans la caisse électorale de la Chambre de commerce.

Certaines de ces sociétés, installées en Inde, profitent de la délocalisation d'emplois américains.

Les démocrates ont également critiqué American Crossroads, groupe indépendant dont l'un des instigateurs et promoteurs est Karl Rove, ancien stratège de George W. Bush. Ce groupe s'apprête à dépenser une partie de ses fonds considérables - plus de 56 millions de dollars récoltés à ce jour - pour aider des candidats républicains à la Chambre des représentants.

Comme la Chambre de commerce, American Crossroads ne fournit aucune information sur l'identité de ses donateurs, ce que le vice-président Joe Biden a dénoncé récemment.

«Karl Rove a réuni une écurie de milliardaires qui versent des dizaines de millions dans les courses les plus serrées. Et l'argent vient de sources obscures», a-t-il dit.

Mais les dénonciations des démocrates servent peut-être la cause de leurs adversaires. Karl Rove a affirmé cette semaine que le président et son entourage avaient, par leurs critiques, aidé son groupe à récolter plus de 13 millions de dollars en quelques jours.

«Un grand merci à Barack Obama et à la Maison-Blanche», a-t-il écrit sur son compte Twitter.