L'affaire Bettencourt, du nom de la riche héritière de l'empire L'Oréal, n'aura pas mis longtemps à refaire surface dans l'actualité française malgré les efforts du gouvernement pour l'enterrer.

Hier, sur ordre de la juge Isabelle Prévost-Desprez, des enquêteurs ont mené une nouvelle perquisition dans l'hôtel particulier de Liliane Bettencourt, en banlieue parisienne.

La magistrate cherche à faire la lumière sur les accusations d'abus de confiance portées contre François-Marie Banier, un dandy photographe à qui la riche héritière a fait des «dons», sous diverses formes, de plus de 1 milliard d'euros (1,34 milliard de dollars).

La fille de Mme Bettencourt, Françoise Meyers, maintient que sa mère a les facultés affaiblies et qu'elle a été manipulée par l'homme de 63 ans, ce que nie la principale intéressée.

Selon le quotidien Le Monde, la perquisition d'hier visait à mettre la main sur des «bouts de papier» que laissaient traîner M. Banier et le gestionnaire de la fortune de Mme Bettencourt, Patrick de Maistre, pour exercer leur emprise sur elle.

Ces bouts de papier auraient également servi, au dire d'une ancienne femme de chambre, à faire apprendre à Mme Bettencourt des textes qu'elle devait répéter mot pour mot lors de rencontres importantes.

La femme de chambre, Dominique Gaspard, a apparemment indiqué dans un récent interrogatoire qu'elle avait caché les papiers en question dans la maison.

Soupçons d'ingérence de l'Élysée

À l'issue de la perquisition, Mme Bettencourt a déclaré par communiqué qu'elle était «affreusement outrée» d'apprendre que les chambres de ses employés avaient été fouillées et les serrures de ses coffres, forcées.

Les documents ciblés pourraient être embarrassants pour le gouvernement puisqu'ils contiendraient notamment un texte que Mme Bettencourt aurait appris en vue d'une rencontre avec Nicolas Sarkozy en 2008. Elle devait plaider à cette occasion pour l'interruption de la poursuite intentée par sa fille contre M. Banier.

Si la chose se confirme, cela risque de renforcer les soupçons d'ingérence de l'Élysée dans le processus judiciaire, déjà alimentés par la divulgation d'enregistrements de conversations privées entre M. de Maistre et Mme Bettencourt.

Dans ces enregistrements, captés par un maître d'hôtel entre mai 2009 et mai 2010, le gestionnaire de fortune affirmait avoir eu l'assurance d'un conseiller juridique du président que la poursuite serait bientôt abandonnée sur ordre du tribunal.

Ces enregistrements, remis à la police par la fille de Mme Bettencourt, ont donné un tour très politique à l'affaire, en particulier parce qu'ils suggèrent l'existence de liens étroits entre M. de Maistre et l'ex-ministre du Budget, Éric Woerth, aujourd'hui ministre du Travail.

»Lapidation médiatique»

Le gestionnaire de fortune affirme que c'est M. Woerth qui lui a demandé d'embaucher sa femme comme conseillère financière auprès de Mme Bettencourt, en 2007. Son entourage tentait alors de cacher au fisc des dizaines de millions d'euros, le type même de pratique que le ministre était chargé de combattre.

Éric Woerth, qui a été longuement interrogé par la police, était également chargé à l'époque de solliciter des dons pour l'UMP, le parti du président, à titre de trésorier.

Une lettre révélée il y a quelques jours par la revue L'Express indique qu'il a écrit en mars 2007 à Nicolas Sarkozy pour le convaincre de remettre la Légion d'honneur à Patrick de Maistre. Le gestionnaire aurait à la même époque demandé à Mme Bettencourt de contribuer à la campagne du futur président et de M. Woerth.

Lorsqu'il a d'abord été mis en cause il y a plusieurs mois, Éric Woerth a déclaré qu'il ne connaissait pas M. de Maistre. Il maintient aujourd'hui qu'il n'a pas menti à la population et se présente comme la victime d'une tentative de «lapidation médiatique».

«C'est un peu une chasse à l'homme comme il existe ici la chasse à courre. Sauf que c'est moi qui joue le cerf», a dit le ministre.