L'Asie est un objectif stratégique de l'Église: le pape François qui entamera jeudi en Corée du Sud son premier voyage sur le continent, va à la rencontre d'une Église minoritaire, mais vivante, et aura en vue notamment la Chine.

François sera du 13 au 19 août en Corée du Sud. Le motif officiel du voyage est sa participation aux Journées de la jeunesse catholique d'un continent où les catholiques ne sont que 3,2 %, mais où leur nombre croît.

Il a choisi le pays où coexistent le plus de cultes: bouddhistes, mais aussi évangélistes et pentecôtistes, en plein essor. Quelque 30 % des Sud-Coréens sont chrétiens et 10 % (5,3 millions) catholiques.

La visite en Corée sera suivie dès janvier 2015 d'une autre au Sri Lanka et aux Philippines, le plus catholique des pays asiatiques. Aucun pape ne s'était rendu en Asie depuis 15 ans.

Même si au Vatican on évite de parler de «priorité», l'Asie représente un «espace d'évangélisation».

Quand il était jeune, Jorge Bergoglio rêvait de devenir missionnaire au Japon, où il admirait la résistance des catholiques clandestins ayant maintenu leur foi sans prêtres au XVIIIe et XIXe siècles.

Le pape, qui n'a encore annoncé aucun voyage en Afrique, s'intéresse en particulier à «l'inculturation» (imprégnation, ndlr) du christianisme dans les cultures asiatiques. Un de ses modèles est le jésuite italien Matteo Ricci (1552-1610), enterré à Pékin, apprécié de l'empereur de Chine, et évangélisateur de ce pays dans le respect de la culture locale.

Dimension sociale et réconciliation intercoréenne 

Au fil de ses 11 discours en Corée, les dimensions sociales et sociétales chères au pape - pauvreté, corruption, mondialisation, avortement notamment - ne devraient pas être oubliées. Il devrait inviter l'Église, d'où provient une partie de la classe dirigeante, à rester proche des exclus d'une croissance très rapide. «Aujourd'hui il y a le risque que l'Église apparaisse comme l'Église des riches pour les riches», a noté le missionnaire italien Vincenzo Bordo sur le site Vatican Insider.

D'autres accents de la visite seront l'hommage à la résistance d'une Église locale fondée par des laïcs lettrés - il béatifiera 124 martyrs de la première génération des catholiques coréens -, et une messe à Séoul pour la réconciliation des Coréens.

Mais la venue tant espérée de catholiques nord-coréens, une minorité contrôlée et persécutée, n'a pas été autorisée par Pyongyang.

Gestes attendus, folles spéculations 

Certains Coréens auraient souhaité un déplacement du pape dans la zone démilitarisée sur le 18e parallèle, mais rien n'est prévu en ce sens.

Les spéculations les plus folles et infondées avaient circulé dans la presse asiatique: le pape irait en Corée du Nord et se rendrait même à Pékin pour rencontrer le président Xi Jinping, élu comme lui en 2013.

Le rapprochement avec la Chine communiste a été une priorité de Benoît XVI, puis de François, après des décennies de persécutions des chrétiens sous Mao.

Alors que le consumérisme occidental transforme l'immense Chine, catholicisme et protestantisme renaissent, mais leurs cultes sont contrôlés, parfois encore opprimés. Le régime favorise une Église officielle contre une Église souterraine, nommant des évêques sans l'agrément du Vatican.

Benoît XVI avait proposé en 2007 un dialogue au régime. En 2013, François avait félicité de son élection le président Xi Jinping, qui lui avait répondu. Pour le moment, aucune inflexion importante n'a été notée.

Petit signe cependant: pour la première fois, un pape sera autorisé à survoler la Chine à l'aller et au retour.

Le Vatican aimerait bien que se produise avec Pékin le dégel qui a marqué les relations avec le Vietnam communiste. Aujourd'hui l'Église vietnamienne, contrôlée et parfois persécutée, est très vivante.

De l'Inde au Sri Lanka, de Timor-Est à l'Indonésie, du Pakistan à la Birmanie et au Japon, des Églises parfois très minoritaires, qui défendent souvent les droits de minorités, coexistent avec les autres religions - bouddhistes, hindouistes, musulmans -, souvent dans des conditions difficiles. C'est ce catholicisme résilient que devrait mettre en avant le pape en Asie.

François a vanté dans son exhortation «Evangelii Gaudium» (2013), texte de base de son pontificat, la possibilité du christianisme de s'implanter dans n'importe quelle culture: c'est pourquoi, selon le vaticaniste Sandro Magister, il pourrait annoncer bientôt la béatification du jésuite Matteo Ricci, désavoué au XVIe siècle par le Vatican précisément pour son ouverture culturelle.