La gauche a commencé à défiler vendredi au Brésil pour soutenir la présidente Dilma Rousseff, cible d'une campagne de destitution, en pleine bataille de recours judiciaires autour de l'entrée controversée au gouvernement de son charismatique prédécesseur Lula.

Un tribunal de Rio de Janeiro a décrété que l'ancien président Luiz Inacio Lula da Silva pouvait prendre ses fonctions de chef de cabinet, qui équivalent à celle d'un premier ministre, annulant l'ordonnance d'un juge qui demandait la suspension de cette nomination.

Mais le feuilleton judiciaire est loin d'être terminé. La Cour suprême (STF) a indiqué avoir été saisie d'une douzaine de demandes réclamant que Lula se voie interdire d'exercer ses fonctions.

La gauche de son côté mobilisait ses troupes. Le Parti des travailleurs (PT, au pouvoir), la Centrale unique des travailleurs (CUT) et d'autres mouvements ont convoqué des manifestations vendredi dans plus de 30 villes, cinq jours après celles qui ont rassemblé trois millions de Brésiliens contre Mme Rousseff.

Plusieurs milliers de manifestants, agitant des drapeaux rouges, ont marqué leur soutien à Dilma Rousseff dans la matinée à Maceio (nord-est).

En revanche à Sao Paulo, la troupe de choc de la police militaire (PM), appuyée de deux blindés, a fait évacuer au jet d'eau les manifestants qui bloquaient un des principaux axes de la ville, faisant place nette avant le défilé appelé par le PT et la CUT.

À quelques mois des jeux Olympiques, le Brésil s'enfonce dans le chaos politique depuis qu'un juge de Brasilia a demandé jeudi la suspension de l'entrée de l'ancien chef de l'Etat Luiz Inacio Lula da Silva au gouvernement.

Le juge de Brasilia estimait que cette nomination était susceptible de constituer un délit d'entrave à la justice de la part de la présidente, dans la mesure où Lula échappait ainsi à la menace d'un placement en détention provisoire dans l'enquête sur le scandale Petrobras, dans laquelle il est visé pour « corruption » et « blanchiment d'argent ».

Dilma Rousseff décidée à se battre

La présidente Dilma Rousseff, contre laquelle une commission parlementaire a commencé à examiner vendredi une procédure de destitution, a affirmé sa détermination à se battre.

« Les cris des putschistes ne vont pas me faire dévier de mon cap », avait-elle lancé jeudi pendant la cérémonie de prise de fonction de son prédécesseur (2003-2010) et mentor, Lula.

La diffusion de l'écoute d'une conversation entre la présidente et Lula avait fait l'effet d'une bombe. Dans cet enregistrement, Dilma Rousseff expliquait qu'elle allait faire parvenir à Lula son décret de nomination pour qu'il s'en serve « en cas de nécessité », ce que beaucoup ont interprété comme une allusion à une arrestation.

La présidente s'est interrogée vendredi sur les conditions de cette écoute, faisant valoir qu'il n'était pas établi que le téléphone écouté soit celui de Lula et non le sien.

Or, a-t-elle souligné, « le président bénéficie de garanties constitutionnelles contre toute interférence. Dans beaucoup de pays, quiconque écoute un président va en prison s'il n'a pas reçu d'"autorisation de la Cour suprême". "Je prendrai les mesures qui s'imposent", a-t-elle menacé.

Lula, l'homme du miracle socio-économique brésilien des années 2000, très attendu par un gouvernement au bord du naufrage, ne s'est pas exprimé.

Procédure de destitution lancée

À Brasilia, une commission de 65 députés, chargée d'analyser la procédure de destitution de la présidente, a tenu vendredi tambour battant sa première réunion.

Le président de la Chambre des députés, Eduardo Cunha, lui même impliqué dans le scandale de corruption Petrobras, a souhaité que la commission rende son avis dans un délai d'un mois.

Le rapport de la Commission qui sera soumis à l'Assemblée plénière du Congrès des députés devra recueillir les deux tiers (342 sur 513) des voix pour que soit prononcée la mise en accusation de la présidente devant le Sénat, sinon la procédure sera enterrée.

En cas de mise en accusation, la présidente serait d'abord écartée de ses fonctions pendant 180 jours au maximum. Il faudrait ensuite les deux tiers des sénateurs (54 sur 81) pour la destituer, faute de quoi elle reprendrait ses fonctions.

Dilma Rousseff dénonce depuis le début une tentative de "coup d'État" institutionnel.

Le président bolivien Evo Morales a estimé vendredi que la droite brésilienne voulait asséner un "coup parlementaire et un coup judiciaire" à Dilma Rousseff.

Selon les derniers sondages, 60 % des Brésiliens sont favorables à la destitution de Mme Rousseff.