Les Cubains auront le droit de voyager à l'étranger à partir de lundi, quand entrera en vigueur la réforme de la loi migratoire mise en place par le président Raùl Castro et  très attendue par la population.

«À partir du 14 janvier, toutes les personnes de plus de 18 ans seront en mesure de voyager» hors de l'île, a déclaré à la télévision cubaine le colonel Lamberto Fraga, un des responsables ses services d'immigration.

Les mineurs pourront également sortir du pays à condition de disposer d'autorisations notariées de leurs parents ou tuteurs.

La loi devrait bénéficier particulièrement aux quelques deux millions de Cubains qui vivent à l'étranger - dont 80 % aux États-Unis, essentiellement en Floride - ainsi qu'aux sportifs et professionnels qui ont fait défection lors de leurs tournées ou missions à l'étranger.

Le président Raul Castro avait annoncé le 16 octobre dernier que la réforme migratoire, la première grande mesure sociale du régime communiste ouvrant les portes de l'étranger aux Cubains, serait appliquée à partir du 14 janvier 2013.

«Que l'on ait décidé de modifier la loi migratoire implique que l'on reconnait que le pays a un potentiel de migration», a relevé pour l'AFP le directeur du Centre d'études démographiques de l'Université de La Havane, Antonio Aja, l'un des experts sur les questions d'immigration sur l'île.

«Lundi, il est presque certain que le nombre de demandes de passeports de la part des citoyens cubains va augmenter», a-t-il ajouté.

Depuis les années 60, les Cubains désirant quitter l'île devaient solliciter une «carte blanche» et présenter une lettre d'invitation de l'étranger, où ils ne pouvaient rester plus de 11 mois, sous peine de voir leurs biens confisqués et être considérés comme des expatriés définitifs, généralement sans possibilité de retour.

Selon la nouvelle loi, la durée de séjour à l'étranger se voit désormais portée de 11 à 24 mois.

Par le passé, les formalités - passeport, permis de sortie, certifications de documents, visa du pays de destination - pouvaient coûter jusqu'à 500 $ qui, ajoutés au billet d'avion, mettaient souvent les voyages hors d'atteinte pour les Cubains dont le salaire mensuel officiel est de 20 $.

Les États-Unis ont salué la décision de Cuba de mettre fin au permis de sortie obligatoire pour les Cubains, cohérente à leurs yeux «avec la Déclaration universelle des droits de l'homme qui stipule que tout le monde doit avoir le droit de quitter n'importe quel pays - y compris le sien - et de pouvoir y retourner, de pouvoir aller et venir».

Les réformes adoptées par Raul Castro ont donné plus de place au secteur privé cubain, rétablissant notamment l'achat de voitures et de maisons, mettant fin à des «interdictions excessives», selon le chef de l'État, permettant ainsi aux Cubains de posséder des téléphones portables et de pouvoir séjourner à l'hôtel.

Toutefois, tous les Cubains ne pourront pas se déplacer librement. Les sportifs de haut niveau - une des fiertés de la Révolution cubaine -, certains dirigeants et professionnels «essentiels» notamment continueront à faire l'objet de restrictions de sortie.

«Ce sera un groupe très réduit, des cas très spécifiques qui seront inclus dans certains de ces règlements», a précisé le colonel Fraga.

Le gouvernement a justifié ces restrictions en affirmant que les États-Unis favorisent depuis des décennies la «fuite de cerveaux» et les défections de vedettes du sport.

Ces dernières années, plus de 30 athlètes de haut niveau ont fait défection lors de tournées à l'étranger ou ont fui l'île, notamment le champion de boxe Guillermo Rigondeaux ainsi que plusieurs champions de baseball, de soccer et de basket-ball.

Cette semaine les autorités ont indiqué que les médecins pourraient également voyager sans entrave.

Les dissidents, accusés par le gouvernement d'être des «mercenaires» à la solde des États-Unis, craignent de devoir continuer à affronter des restrictions pour se rendre à l'étranger, la nouvelle loi stipulant que la sortie du pays peut être interdite pour des raisons de «sécurité nationale».

«Il est clair que le gouvernement maintiendra une politique de discrimination à l'égard des personnes qui ne sont pas favorables» au régime, a notamment déclaré à l'AFP le dissident Elizardo Sanchez, qui dirige la Commission cubaine des droits de l'homme et la Nationale, illégale mais tolérée.