Les enlèvements de civils en Colombie, auxquels les Farc ont renoncé dimanche, constituent le principal réservoir d'otages capturés par la guérilla à des fins économiques, même s'ils n'ont pas été aussi médiatiques que les séquestrations de personnalités politiques ou militaires.

Depuis sa fondation en 1964, la guérilla paysanne a toujours eu recours massivement à cette pratique, capturant dans les villages des habitants qu'elle relâchait monnayant une rançon, au nom de l'impôt révolutionnaire.

Il est difficile d'évaluer le nombre précis de paysans enlevés par les Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc), certains étant parfois relâché au bout de quelques jours.

Les Farc n'ont jamais tenu une comptabilité de ces otages anonymes, à l'inverse des membres des forces de l'ordre et des personnalités politiques, dont les séquestrations croissantes ces quinze dernières années ont marqué un changement de cap de sa stratégie.

Certains de ces otages politiques étaient civils, et notamment les plus célèbres d'entre eux comme la sénatrice franco-colombienne Ingrid Betancourt enlevée le 23 février 2002, mais ils n'avaient pas de valeur «économique» aux yeux de la guérilla qui voulait les échanger contre des rebelles emprisonnés.

«On peut parler aujourd'hui de centaines d'otages civils, alors qu'il y en avait sans doute des milliers il y a quelques années», avait déclaré Olga Gomez, présidente de l'ONG Pais Libre, qui oeuvre auprès des familles des personnes séquestrées, lors d'un entretien à l'AFP la semaine dernière.

«Les otages +économiques+ constituent 99% des personnes enlevées par les Farc et pourtant ils sont toujours restés au second plan», avait-elle déploré.

«Les Farc n'ont jamais cessé d'enlever des gens. Ils l'ont fait depuis le début. Peut-être lors de la dernière décennie ont-ils séquestré entre 80 et 100 personnes par an», explique à l'AFP Luis Eduardo Celis, enquêteur pour l'institut Nuevo Arco Iris, spécialiste du conflit colombien.

«On ne sait pas combien d'otages (civils) ils ont en leur pouvoir, mais la proportion de libération est élevée. Surtout ces dernières années, ils ont essayé de les libérer rapidement car c'est difficile pour eux de les maintenir en captivité», poursuit-il.

Selon cet expert, l'annonce des Farc est «un pas très important mais un peu tardif». «La prise d'otage a énormément discrédité les Farc. En Europe, ils ont perdu beaucoup d'amitiés à cause de cela», fait-il observer.

«On a beaucoup parlé des séquestrations de personnes, hommes et femmes issus de la population civiles, que nous, les Farc, avons effectué à des fins financières pour le soutien de notre lutte», a admis dimanche la guérilla avant d'annoncer la fin de «ces pratiques» et la libération des dix policiers et militaires encore séquestrés.

La stratégie des Farc, qui tire désormais une part croissante de ses revenus du trafic de drogue, avait aussi évolué au cours du temps pour ses cibles «économiques», passant de la capture de simples habitants à celles d'employés de toute sorte d'entreprises, victimes de tentatives d'extorsion de fonds.

Plus récemment, les guérillas ont concentré leurs prises d'otages de civils dans le secteur pétrolier, en pleine expansion dans le pays, séquestrant ainsi en 2011 des employés chinois de la compagnie britannique Emerald Energy.

Quelques mois plus tôt, 23 sous-traitants d'une entreprise canadienne du secteur, Talisman, avait été retenus pendant une journée, une apparente mesure de rétorsion à la suite d'une tentative infructueuse de racket.

A la suite de cet épisode, le président colombien Juan Manuel Santos avait menacé d'expulser toute entreprise étrangère qui accepterait de verser de l'argent à la guérilla des Farc.