Pancartes en français et en espagnol à l'appui, une cinquantaine de personnes ont manifesté hier devant le consulat du Mexique au centre-ville de Montréal. Leurs demandes s'adressaient à la fois aux gouvernements mexicain et canadien: ils exigent que la lumière soit faite sur l'assassinat de deux Mexicains très critiques de sociétés minières canadiennes exploitant des terrains dans la région de Oaxaca.

C'est d'abord le meurtre de Mariano Roblero Abarca, en décembre dernier, qui a soulevé l'ire du Comité pour les droits humains en Amérique latine (CDHAL) et d'une horde d'organisations de défense des droits de la personne, dont Mines Alertes Canada et le Conseil des Canadiens.

Le militant mexicain a été fusillé en sortant de son domicile, situé à Chicomuselo, près de la frontière guatémaltèque. Le meurtre, perpétré par un motocycliste, a eu lieu alors que M. Abarca menait une campagne contre la société minière canadienne Blackfire Exploration, qui exploitait une mine de baryte dans l'État du Chiapas. Deux jours avant d'être tuée, la victime avait déposé une plainte contre deux employés de Blackfire qui l'auraient menacée.

En décembre, des manifestations ont eu lieu à Montréal comme au Mexique, mais six mois plus tard, les militants du CDHAL constatent que même si la mine a été provisoirement fermée, l'enquête a bien peu avancé. Parmi les six suspects appréhendés se trouvent un employé et un ex-employé de la mine canadienne, mais personne n'a encore eu de procès. «Les auteurs matériels du meurtre n'ont pas encore été inculpés. Les auteurs intellectuels, eux, n'ont pas eu à faire face à la justice», a dénoncé hier Marie-Dominik Langlois, porte-parole du Comité pour les droits humains en Amérique latine. «Il y a énormément d'argent engagé dans les mines et les sociétés sont prêtes à avoir recours aux grands moyens. Elles n'ont pas de comptes à rendre. Il y a des lois au Mexique, mais elles sont rarement appliquées», a-t-elle dénoncé. Hier, Blackfire Exploration n'a pas rappelé La Presse.

Bataille législative

Marie-Dominik Langlois, qui s'intéresse depuis cinq ans au rôle des sociétés minières canadiennes dans les violations des droits de la personne au Mexique, espère que cette situation changera bientôt. Elle fonde ses espoirs sur le projet de loi C-300.

Ce projet de loi sur la «responsabilisation des sociétés à l'égard de leurs activités minières, pétrolières ou gazières dans les pays en développement» vient de passer le stade de la deuxième lecture à la Chambre des communes cette semaine. Parrainé par le député libéral John McKay, le projet C-300 empêcherait Ottawa de financer les entreprises canadiennes qui ne respectent pas les normes internationales en matière de droits de la personne, de travail et de protection de l'environnement.

Craint par l'industrie minière et critiqué par plusieurs députés conservateurs qui estiment que la nouvelle législation empêchera des sociétés canadiennes de travailler dans des pays instables, le projet C-300 a pour le moment le soutien à Ottawa du Bloc québécois, du Nouveau Parti démocratique et d'une partie du caucus libéral. «Pour que le projet soit adopté, j'aurai besoin du soutien de 100% des députés libéraux, a noté hier John McKay, joint par La Presse. Il ne faut jamais sous-estimer les sociétés minières. Elles dépensent des dizaines, voire des centaines de milliers de dollars pour que cette loi échoue.»

Nouvelles violences

En plus de rappeler la mort de Mariano Abarca, les manifestants ont dénoncé hier l'assassinat récent d'une autre militante du Réseau mexicain des personnes touchées par l'industrie minière, Beatrix Alberta Carino, à San Juan Copala.

Cette petite communauté autochtone de l'État d'Oaxaca, où de nombreuses sociétés minières exploitent des terrains, a déclaré son autonomie en 2007 et est depuis assiégée par un groupe paramilitaire appelé Ubisort.

Pour attirer l'attention sur la situation à San Juan Copala, une délégation de journalistes, d'observateurs étrangers et de militants des droits de la personne, dont Mme Carino, s'y sont rendus le 27 avril dernier. Au cours d'une embuscade dressée par le groupe armé, Mme Carino et un observateur finlandais, Jyri Antero Jaakola, ont été tués. Plusieurs organisations, dont Amnistie internationale, demandent aux autorités mexicaines d'intervenir pour protéger la population.