C'est officiellement un grand événement culturel pour honorer la Russie, ses écrivains et ses artistes, mais c'est en fait à l'URSS, presque vingt ans après sa disparition, que semblent rendre hommage des Cubains nostalgiques en proie à une crise économique.

C'est officiellement un grand événement culturel pour honorer la Russie, ses écrivains et ses artistes, mais c'est en fait à l'URSS, presque vingt ans après sa disparition, que semblent rendre hommage des Cubains nostalgiques en proie à une crise économique.

Le président cubain Raul Castro et le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov ont donné jeudi soir le coup d'envoi de la 19e Foire du livre de La Havane, dont la Russie est pour la première fois l'invitée d'honneur.

Quelque 200 écrivains, intellectuels et éditeurs russes doivent prendre part jusqu'au 21 février à cet événement organisé dans la forteresse historique de la Cabana, près du lieu où sont exposés quelques missiles soviétiques rouillés qui rappellent la crise d'octobre 1962 entre Moscou et Washington.

Un éditorial du quotidien Juventud Rebelde a donné le ton de la nostalgie jeudi.

«Avec la chute retentissante de plus de 70 ans d'efforts, le peuple russe continue à donner des leçons: c'est une expérience à l'envers pour nous faire voir les erreurs que ne peut commettre le socialisme» cubain, estime ce journal alors que Raul Castro cherche à réformer une économie en crise qui ne s'est jamais vraiment tout à fait remise de la chute de l'allié soviétique en 1991.

«L'Histoire ne peut être modifiée, ce qui a eu lieu, a eu lieu», continue Juventud Rebelde. «Jamais les Cubains n'oublieront cet immense pays qui s'effondra en raison de ses propres erreurs et de sa myopie, après une prouesse historique» dirigée par «le géant Lénine».

Mais la nostalgie ne date pas d'hier à Cuba, l'un des rares pays où les forces armées continuent de commémorer chaque année la révolution bolchévique.

L'auteur russe le plus connu à la foire - qui ne présente aucun romancier connu de la nouvelle génération - est le poète Evgueni Evtouchenko, 76 ans. Correspondant de la Pravda après la révolution cubaine de 1959, l'un des auteurs du film culte «Soy Cuba» (1964), il dit avoir «lutté toute sa vie contre la censure», mais refuse de condamner le régime cubain accusé par des ONG occidentales de brimer droits et libertés.

«Cette politique de confrontation et d'ambition» de Washington, qui maintient depuis 1962 un embargo contre Cuba, a été en partie responsable, selon lui, des crispations cubaines.

C'est aussi sur grand et petit écran que Cuba honore la Russie. «Mais c'est vrai qu'il y a peu de films qui montrent la Russie d'aujourd'hui», reconnaît un diplomate russe. Il y a les chefs-d'oeuvre de la littérature russe - Dostoïevski, Tolstoï, Tchekhov -, quelques films soviétiques sur la deuxième guerre mondiale, et d'autres contemporains comme «Alexandra» d'Alexandre Sokourov qui a pour toile de fond le conflit en Tchétchénie.

À la télévision, on discute du «poète ouvrier de la révolution» Vladimir Maïakovski. Au théâtre Karl-Marx, c'est la troupe du Bolchoï qui dansera pour la première fois depuis 30 ans à Cuba avant d'entamer une tournée aux États-Unis.

«C'est ma quatrième visite à Cuba, j'aime ce pays. Les Cubains sont en général nostalgiques de l'URSS, et moi aussi je le suis», dit à l'AFP un responsable d'un kiosque de livres sur la deuxième guerre mondiale, Nikolaï Manoulov.

Un membre de la délégation ministérielle russe n'a lui aucune nostalgie: «Le monde a changé, Cuba aussi change et j'espère que cela se fera sans révoltes ni révolution».

L'aide de l'URSS, «c'était pour Cuba comme une sécurité d'emploi» selon le Cubain Pedro, un ouvrier en bâtiment retraité qui ne va pas aller à la foire. «Quand tu la perds, tu la pleures, mais tu vas chercher ailleurs».