Drôle d'histoire. Steve Bannon a surpris hier l'un des patrons du magazine progressiste The American Prospect, Robert Kuttner, en lui passant un coup de fil pour le féliciter d'un article qu'il venait de signer sur la Chine. Le conseiller principal et stratège de la Maison-Blanche en a profité pour épiloguer lui même sur le sujet. Je le cite :

«Selon moi, la guerre économique avec la Chine, c'est la question numéro 1. Nous devons nous concentrer sur cette question, de façon maniaque. Et si nous continuons à perdre cette guerre, nous sommes à cinq ans, dix ans au maximum, du point de non-retour. Nous sommes en guerre économique avec la Chine. Tout est d'ailleurs écrit chez eux, ils ne cherchent pas à cacher ce qu'ils font. L'un de nous sera en situation d'hégémonie d'ici 25 ou 30 ans, et ce sera la Chine si nous continuons sur cette voie. Sur la Corée du Nord, ils ne font que nous amadouer. Ce n'est qu'une diversion.»

Si Bannon s'était arrêté là, ses propos n'auraient probablement pas suscité un grand remous à Washington, et particulièrement à la Maison-Blanche. Or, le conseiller de Trump s'est permis en outre d'expliquer à Kuttner que les menaces de son patron concernant la Corée du Nord ne pouvaient pas être prises au sérieux. En fait, il a parlé comme s'il était lui-même le patron. Je le cite encore :

«Il n'y a pas de solution militaire, laissons tomber. Tant que quelqu'un n'aura pas résolu l'équation qui me démontrerait que dix millions de Sud-Coréens ne mourront pas dans les 30 minutes suivantes, tués par des armes conventionnelles, je ne vois pas de quoi on parle, il n'y a pas de solution militaire, ils nous tiennent.»

Bannon a également évoqué ses différends avec Gary Cohn, ex-numéro 2 de Goldman Sachs et conseiller économique principal de la Maison-Blanche.

Et il s'est exprimé sur les violences raciales de Charlottesville, qualifiant de «clowns» les suprémacistes blancs qui s'y sont rassemblés le week-end dernier. «L'ethno-nationalisme, ce sont des perdants. Ils sont à la marge. Je pense que les médias leur donnent trop d'importance, et nous devons aider à les écraser, à les écraser encore plus. Ces gars, c'est juste une collection de clowns.»

L'ironie veut que Bannon ait contribué à l'émergence de ce mouvement ethno-nationaliste à la tête du site Breitbart.

Quoi qu'il en soit, Bannon a tenté hier soir de calmer l'émoi suscité par l'entrevue en affirmant qu'il ne savait pas que Kuttner le citerait dans un article, selon le site Axios.

La publication de l'article de Kuttner survient au moment où l'avenir de Bannon à la Maison-Blanche est incertain.