Alors que les premiers pas de Donald Trump à la Maison-Blanche font grincer les dents chez les défenseurs des libertés, le prix Nobel de la paix sonnera-t-il cette année comme un désaveu du chef de la «première démocratie au monde»?

Mercredi, à la date limite pour l'envoi des candidatures au comité Nobel norvégien, quelques-unes des rares propositions connues portaient le sceau de la résistance au nouveau président américain -- lui-même également sélectionné.

Observateur attentif de la chose Nobel, le directeur de l'Institut de recherche sur la paix d'Oslo (Prio), Kristian Berg Harpviken, a placé l'Union américaine pour les libertés civiles (ACLU) tout en haut de ses prédictions. Celles-ci se sont souvent révélées erronées dans le passé.

L'organisation quasi centenaire est montée au front cette semaine en attaquant devant la justice américaine le décret, très controversé, du nouveau président bloquant temporairement l'entrée aux États-Unis aux ressortissants de sept pays à majorité musulmane.

«Un prix de la paix à l'ACLU serait certainement interprété comme une critique du président Trump», écrit M. Harpviken sur son site internet. Mais «ce serait surtout un hommage à son oeuvre juridique de longue haleine et tenace, et au combat pour les droits civiques, en premier lieu aux États-Unis, mais aussi dans le cadre d'une lutte mondiale».

Outre ces restrictions à l'immigration, les premiers jours de la présidence Trump ont été marqués par des attaques redoublées contre les médias et par la décision de construire un mur à la frontière mexicaine, mesures qui inquiètent les défenseurs des droits et libertés.

Les pronostics sont d'autant plus compliqués que l'Institut Nobel garde la liste des candidats secrète pendant au moins 50 ans. Seuls sont connus les noms de ceux que leurs parrains annoncent publiquement.

Parlementaires et ministres, anciens lauréats, certains professeurs d'université... des milliers de personnes à travers le monde sont habilitées à proposer une candidature, laquelle n'a pas nécessairement valeur d'adoubement par le comité Nobel. Les cinq membres de celui-ci pourront aussi faire leurs propres propositions lors de leur première réunion prévue le 16 février.

Chirac et Poutine en lice

Le pape François a de nouveau été proposé cette année pour ses efforts de paix et de réconciliation. «Il est l'un des rares à défier Donald Trump», a fait valoir Knut Arild Hareide, leader d'un petit parti norvégien qui l'a parrainé, auprès de la chaîne TV2.

Dans un entretien accordé au quotidien espagnol El Pais concomitamment à l'investiture du président américain le 20 janvier, le souverain pontife avait mis en garde contre les «populismes» et contre la tentation d'élire des «sauveurs» et de s'entourer de «barbelés».

À en croire M. Harpviken, Donald Trump a, comme l'an dernier, été lui-même proposé pour le Nobel par un parrain américain qui souhaiterait notamment que soit reconnue son «idéologie de paix par la force».

Preuve des enjeux géopolitiques du prix, le président russe Vladimir Poutine serait également en lice, soutenu par un think tank français, le Centre des affaires politiques et étrangères (CPFA).

En 2015, les autorités russes auraient orchestré une campagne de désinformation, fausse lettre à l'appui, pour torpiller les chances de Nobel du président ukrainien Petro Porochenko, a révélé la semaine dernière la télévision publique norvégienne NRK.

La Russie a démenti, parlant de «paranoïa». Le prix avait finalement récompensé un quartette d'organisations tunisiennes.

L'ex-chef d'État français Jacques Chirac figurerait aussi parmi les candidats cette année, de même que les «Casques blancs» syriens, le blogueur saoudien emprisonné Raif Badawi et l'Américain Edward Snowden qui a révélé l'ampleur de la surveillance électronique par la NSA.

Le Nobel de la paix sera vraisemblablement annoncé le 6 octobre. Il était allé en 2016 au président colombien Juan Manuel Santos.